Athènes merkélisée


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9 octobre 2012

« Exprimer son soutien au gouvernement grec pour ses réformes ambitieuses », tel est l’objectif annoncé de la visite officielle dont Angela Merkel gratifie aujourd’hui Athènes. Drôlement sympa de sa part. Oui, bien sûr, elle aurait pu exprimer son soutien par téléphone, mais Samaras n’a pas honoré sa dernière facture et les télécoms grecs ont coupé la ligne. En revanche, la presse quotidienne allemande a toujours été disponible dans le pays depuis le début de la crise, et les gracieusetés qu’elle n’a cessé de déverser sur la Grèce, relayant le plus souvent les propos acerbes de ministres eux-mêmes, ne sont pas vraiment de nature à tisser des liens d’affection entre la Chancelière et les populations autochtones. Ces dernières tiennent Berlin pour principalement responsable de la purge qui leur est infligée, ce qui n’est pas entièrement faux, sans être totalement vrai. Ils tiennent pour injuste la rançon qui est exigée d’eux en punition des manquements de leurs élites. Seulement voilà, ils subissent le verdict que Brennos infligea à la Rome antique : vae victis. Malheur aux vaincus. Quand on est une petite province de l’Empire européen, on n’essaie pas de faire la nique aux gros bras et aux puissants créanciers.

A quoi peut bien servir la visite de la Chancelière, qui va parcourir en grande pompe les Champs Elysées athéniens, sous la protection de 10.000 policiers locaux, équipés de joujoux guerriers et couverts par quelques hélicos de l’armée ? Le périmètre du cortège a été prudemment interdit à la rancœur probable des populations et sécurisé comme un QG en territoire ennemi ; l’histoire ne dit pas si le Vatican a prêté la papamobile pour l’occasion, mais on n’en serait pas surpris. Alors, comment interpréter le voyage de Dame Merkel ? Le triomphe crâneur de l’administrateur sur son protectorat ? Un témoignage d’affection du tuteur bienveillant à l’égard de sa pupille dans la détresse ? A ce stade, la motivation demeure mystérieuse. Chacun croise les doigts pour que des débordements intempestifs ne viennent pas ternir un voyage officiel que d’aucuns pourraient prendre pour une provocation. A moins que la Chancelière n’ait réservé une heureuse surprise aux Grecs. Un cadeau somptuaire propre à les réconcilier avec la rigoureuse gouvernance qui se profile en Europe, propre à rendre confortable l’abandon de leur souveraineté. Dans le style du Triomphe à la romaine, une fête grandiose au cours de laquelle l’Empereur victorieux faisait servir un généreux banquet à la plèbe et distribuer des sacs de sesterces aux populations impécunieuses. Plus que quelques heures d’attente avant le lever de rideau. On brûle d’impatience.

La recette du jour

La carotte et le bâton

Vous êtes à la tête d’une famille de flambeurs impénitents. Vous avez soldé une partie de leurs frasques mais vous craignez la récidive qui mettrait en péril la maison. Usez du bâton contre les plus faibles jusqu’à ce qu’ils soient perclus de douleurs. Puis agitez la carotte du pardon. Car les autres pourraient être tentés de vous saquer de votre fauteuil avant de subir le même sort.


Jean-Jacques Jugie