L’art et l’impôt


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11 octobre 2012

Bon, il fallait s’y attendre. Voilà un moment que le législateur tourne autour des œuvres d’art. Non, pas celles des musées nationaux : la Joconde peut dormir tranquille, tant qu’il n’est pas indispensable de la mettre au clou pour gager les intérêts de la dette nationale. On veut parler ici des œuvres détenues par les particuliers, que la mansuétude de la loi fiscale a, jusqu’à ce jour, aimablement dispensées de l’impôt sur la fortune. Mais il est maintenant question de faire contribuer les collectionneurs avisés au redressement des comptes publics, en soumettant à l’ISF toute œuvre dont la valeur excède 5.000 euros. Que l’on se rassure : il ne s’agit que d’une proposition de la Commission des finances. Il y en a eu d’autres du même acabit, et elles ont toutes été rejetées. Mais la maison France est tellement décavée que la matraque fiscale pourrait bien finir par frapper, même pour un complément de recette rikiki : selon le responsable de cette idée horrifique, la mesure ne rapporterait qu’un petit 100 millions de boni. Un pourboire.

Le signataire a donc illico pris sa plus belle plume pour alerter son député de l’absurdité d’une telle mesure. Au plan général, bien sûr. Encore que l’on ait une modeste raison personnelle de s’émouvoir : notre Cézanne. Oh, ce n’est qu’une bricole bien anodine, une petite nature morte de la période romantique, la moins bien cotée, celle que le peintre appelait sa « période couillarde ». Ce n’est pas un chef d’œuvre immémorial, convenons-en ; mais enfin, ce n’est pas non plus une croûte quelconque. Quand on songe que les Joueurs de cartes se sont vendus pour 250 millions de dollars, au début de l’année, il est permis de penser qu’un petit Cézanne pourrait bien coûter entre 1 million et 1 million et demi d’ISF chaque année. Vous vous rendez compte ? Voilà pourquoi on se permet de profiter de cette tribune pour passer une petite annonce : collectionneur prête contre bons soins, à amateur étranger, petit Cézanne de la période couillarde, le temps que le législateur français retrouve ses esprits. Normalement, ce ne devrait pas être long. Mais on ne sait jamais…

La recette du jour

ISF familial

Vous craignez que le portrait en pied de votre belle-mère, exécuté par un grand maître contemporain, ne vous coûte un bras en ISF : c’est une toile monumentale. Proposez au Trésor de l’exposer en permanence dans un lieu public (la belle-mère, pas la toile). Vous serez exonéré des impôts de l’un et des ragots de l’autre.


Jean-Jacques Jugie