Modernité et n’importe quoi


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12 octobre 2012

Vous le saviez sans doute déjà, mais une enquête vient de le confirmer : les jeunes se nourrissent n’importe quand et n’importe comment. En somme, ils font comme leurs parents, mais en pire. On ne vous félicite pas. Ils se moquent comme d’une guigne des cinq fruits et légumes par jour, sautent allègrement des repas, mangent à des horaires aléatoires, de préférence devant la télé, et ils grignotent toutes les horreurs diététiques que promeut la publicité. Une fraction non négligeable des 15-25 ans répugne à toute pratique sportive et le cinquième d’entre eux est en surpoids, sinon déjà obèse. Pourtant, tous se trouvent « minces » voire sveltes, à la grande surprise des enquêteurs. L’explication de ce supposé « manque de lucidité » est pourtant simple : avec l’inflation de l’obésité chez les gamins, les canons de l’esthétique évoluent : les ados ne flashent pas sur les mannequins anorexiques des défilés de mode. Pour être « belle », il faut maintenant arborer un fessier de jument poulinière et l’équilibrer avec le balcon approprié. Voilà le look moderne, coco.

Vous le saviez sans doute déjà, mais la presse vient de le confirmer : les jurés du Nobel de littérature sont complètement allumés. Pas à cause de l’attribution du prix au Chinois Mo Yan, largement reconnu par les milieux littéraires. Au contraire, la nomination d’un auteur en odeur de sainteté à Pékin vient diplomatiquement contrebalancer celle de Gao Xinjian, en 2000, un « dissident » qui a choisi depuis d’adopter la nationalité française. Le jury Nobel s’est ainsi racheté de son irrévérencieuse hardiesse passée. Si donc le choix de Mo Yan se justifie pleinement à l’aune des critères littéraires, l’exposé des motifs est plutôt déroutant. L’auteur a été distingué parce qu’il « unit, avec un réalisme hallucinatoire, imagination et réalité, perspective historique et sociale ». Bigre ! On a hâte de découvrir l’œuvre de Mo Yan pour comprendre ce que les Nobel ont bien pu vouloir dire. Pour proférer un jugement aussi obscurément psychédélique, sans doute les jurés ont-ils roulé la moquette dans les pages du dernier opus de leur lauréat. En singeant le pathos hyperbolique des temps présents, ils préviennent le risque d’être traités de vieilles badernes. A ce rythme de modernité, parions qu’ils auront tous pris vingt kilos à la prochaine session.

La recette du jour

Cure de rajeunissement

Vos enfants vous accusent d’être vieux jeu. Ils ont raison. Pour rajeunir, renoncez au rituel des repas à heures fixes ; nourrissez vous de chips, de pizzas et de glaces au chocolat ; abandonnez le jogging au profit d’une pause télé-cacahuètes. Si votre modernité atteint le réalisme hallucinatoire, vous pourrez devenir juré du Nobel : c’est super-tendance.


Jean-Jacques Jugie