L’UE et le Consulat


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19 octobre 2012

De nombreux commentateurs ont épinglé le choix des Nobel dans l’attribution du prix de la Paix à l’Union européenne. Les uns pour souligner que si les 27 Etats ne guerroient pas entre eux, du moins par les armes, la stratégie commune qu’ils entendent graver dans le marbre, par le nouveau Traité, conduit à la chienlit sociale qui pourrait prendre l’allure, ça et là, d’une véritable guerre civile. Certains observent qu’au travers de l’appartenance à l’Otan, des Etats-membres ont activement participé à l’émergence du « Printemps arabe » en dépit de la prohibition des instances onusiennes, et qu’ils s’emploient à provoquer l’hiver sur les terres syriennes au nom du droit d’ingérence, ce maquillage droit-de-l’hommiste de la colonisation honnie. D’autres enfin prétendent que le Jury a de nouveau cédé au politiquement correct, en tentant de redorer le blason d’une Europe dans la confusion. Toutes ces considérations ont sans doute un brin de pertinence, mais le vrai motif a échappé aux observateurs : par leur attribution facétieuse, les Nobel ont voulu envoyer un message subliminal à l’Union.

Le coup est réussi. Quelques jours à peine après que le prix a été décerné, la cour de récréation bruxelloise bruissait d’une nouvelle querelle : qui donc irait à Oslo pour recevoir la récompense prestigieuse ? Une autre façon de remuer le couteau dans la plaie ouverte de l’ordre institutionnel communautaire : qui représente l’Europe ou, en d’autres termes, où se situe le pouvoir décisionnel de l’Union ? Le Président du Parlement était tout indiqué comme seul représentant démocratiquement élu. Mais l’étendue des pouvoirs de cette honorable assemblée est tellement mince, et Martin Schultz tellement anonyme auprès des citoyens européens, que la famille a décidé de le flanquer de Jose Barroso et Herman Van Rompuy, respectivement présidents de la Commission et de l’UE. C’est donc un triumvirat de choc qui affrontera la remise du prix, sans qu’ait encore été officialisé le destinataire du chèque correspondant. Un thème dont la portée symbolique n’est pas négligeable. On ne peut s’empêcher de penser à une période agitée de l’histoire de France : le Consulat, né après le renversement du Directoire. Trois consuls dont le premier, Napoléon, deviendra bientôt consul à vie. Heureusement, l’Histoire ne repasse pas les plats : Van Rompuy en Empereur d’Europe, ce n’est pas vraiment crédible. Au contraire, Barroso tient parfaitement le rôle de Cambacérès : il est déjà Archichancelier de l’Union. La seule différence, c’est que son illustre prédécesseur s’exila à Bruxelles après la chute de Napoléon. Lui, il y est déjà. Et d’après ce que l’on comprend, il entend y rester longtemps.

La recette du jour

Zizanie à petit prix

Vos voisins vous exaspèrent mais ensemble, il sont beaucoup plus puissants que vous. Ne leur cherchez pas querelle, vous seriez laminé. Au contraire, accablez-les d’honneurs immérités, gratifiez-les de breloques bling-bling, arrosez-les de bakchichs officiels. Ils se déchireront pour être sur la photo. Pour trois picaillons, vous aurez réussi à semer la zizanie.


Jean-Jacques Jugie