Bond relooké


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26 octobre 2012

Vous avez vérifié l’horaire des séances ? Mais oui, c’est aujourd’hui la sortie sur les écrans du dernier James Bond. Où le héros, nous dit-on, renoue avec son profil originel : un tueur inflexible au service de Sa Majesté. Un Brutus classieux et picoleur, un tombeur misogyne, une tête brûlée sulfureuse. Le type que l’on apprécie d’avoir dans sa manche pour exécuter les basses-œuvres inavouables, mais que l’on se garde bien d’inviter à sa table. Plutôt le faire descendre que de se commettre avec lui. Très british. C’est apparemment ce qui arrive à 007 dans Skyfall : « M », la patronne, lui fait tomber le ciel sur la tête. Mais Bond est un habitué de ce scénario : les femmes lui causent toujours des ennuis. Ce pourquoi il est souvent obligé de les éliminer sans vergogne, après avoir eu avec elles des rapports qu’un gentleman ne saurait exposer ici. On comprend en conséquence que James finisse par être un peu perturbé du yaourt.

Mais la pub nous annonce la couleur. Comme le bordeaux de l’année, qui dès la cuvaison est régulièrement promis à devenir le millésime du siècle, le dernier James Bond serait une vraie réussite. Des tanins psychologiques bien structurés, un nez riche de fruits à suspense, une acidité dramatique dosée au quart de poil et la touche d’humour gouleyant qui faisait cruellement défaut au précédent opus. Car dans Quantum of Solace, le héros était une caricature de normalité, un espion-fonctionnaire dans l’attente mollassonne de la retraite, qui expédie à contrecœur les affaires courantes. Pas étonnant que dans ce Skyfall tout le monde lui tombe dessus : supposé s’être fait dégommer dans une opération foireuse, 007 ressuscite malencontreusement au moment où des informations ultra-sensibles sont divulguées, mettant en péril la sécurité du Royaume. Et la carrière de « M », exposée à l’exhumation de quelques secrets dérangeants. Faut-il voir un événement majeur dans l’évolution cinématographique des héros anglo-américains ? Après avoir largement tartiné la face sombre de Batman et confronté ce dernier à des dilemmes raciniens, au risque de déstabiliser le public américain, voilà que les scénaristes dynamitent la caricature flamboyante du seul espion qui sacrifie tout au service de Sa Majesté. Et qui lui aurait même donné son âme, s’il en avait une. Une société se révèle dans le profil que la fiction confère à ses héros. Jadis, Robin des Bois volait les riches pour donner aux pauvres. C’est complètement dépassé. Aujourd’hui, les héros de la City volent les pauvres pour donner aux riches. Faut vivre avec son temps, coco.

La recette du jour

L’art du remake

Vous êtes scénariste et à court d’idées. Revisitez le répertoire des mythes inusables en les actualisant au goût du jour. Faites de Blanche Neige une banquière cynique et dominatrice. Et des sept nains des traders vulgaires, cocaïnomanes et fornicateurs. Vous avez de la matière pour faire un carton, sans être obligé d’inventer un improbable happy end.


Jean-Jacques Jugie