UE : la guerre des jupons


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1er novembre 2012

Pas de doute : les membres de l’UE manifestent un talent remarquable pour esquiver les problèmes d’importance et dramatiser leurs différends épiciers. On a déjà évoqué ici le psychodrame suscité par le remplacement de Gertrude Tumpel-Gugerell au Directoire de la BCE. La question n’est pas tout-à-fait anodine, convenons-en : notre Banque centrale a conquis des galons supplémentaires dans la hiérarchie du pouvoir communautaire, depuis qu’elle s’est instituée en rempart ultime contre les désordres des temps présents. Si bien que la composition de l’état-major de la BCE n’est pas neutre : il commande les mouvements de ses puissantes légions financières. C’est ainsi qu’un consensus au sein du Triumvirat européen (le Conseil, la Commission, la BCE) plaidait en faveur de la nomination d’Yves Mersch (Gouverneur de la Banque nationale luxembourgeoise), une candidature âprement recommandée par dame Merkel, Premier consul de la République européenne. L’entrée en fonctions était prévue pour les ides de novembre*, plus favorables selon les auspices que celles de mars, de sinistre mémoire pour les fans de Jules César. Seulement voilà : dans un élan d’indignation féministe, le Parlement a rejeté cette candidature. Car l’absence de jupons au board serait attentatoire au principe sacré de l’égalité des sexes.

Il résulte de cette bisbille courtelinesque que le Conseil a organisé un scrutin auprès des gouvernements des Etats-membres, afin de se prononcer sur la nomination. Le résultat sera connu lundi prochain et ne fait guère de doute : le Luxembourgeois devrait être adoubé. Le profil de l’impétrant n’est pas en cause : son CV est tout-à-fait conforme aux exigences du poste. Mais pour justifiable qu’il soit, ce choix contrevient au vote du Parlement, le seul organe européen d’essence démocratique. La procédure en cours ramène ainsi le projecteur sur une réalité institutionnelle notoire mais dérangeante : la voix des élus européens n’est que consultative. Elle vaut autant que celle du Sénat romain sous la Dictature, c’est-à-dire qu’elle se situe entre pas grand-chose et peanuts sur l’échelle Richter de la représentativité. Au moment où grandit le scepticisme sur la légitimité du pouvoir européen, au moment où les décisions de la BCE soulèvent de profondes inquiétudes, au moment où l’Allemagne est suspectée d’abuser de son autorité, les présentes péripéties ne sont guère de nature à favoriser la sérénité. A moins que dans un souci d’apaisement, Yves Mersch n’accepte de siéger en tailleur sévère et escarpins clinquants. Et sans moustache, bien entendu.

(*) Note aux puristes : en effet, les ides de novembre tombent le 13 et non le 15. Que l’on veuille bien considérer cette approximation comme une licence poétique.

La recette du jour

Parité bien ordonnée

Vous êtes convaincue du bien fondé de la parité dans l’accès à l’emploi. Si vous ambitionnez d’être caissière de supermarché, vous ne serez pas contrariée. Pour devenir membre du board de la BCE, ce sera plus compliqué : il faudra attendre la fin du mandat de la Chancelière. Car la gent féminine apostasie le féminisme dès qu’elle accède au pouvoir.


Jean-Jacques Jugie