Grues et coquecigrues


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2 novembre 2012

Mens sana in corpore sano. Telle est semble-t-il la devise du président Poutine. On ne doit pas s’étonner de cet emprunt au poète Juvénal, un satiriste qui a pourfendu les mœurs déliquescentes de la Rome de son temps, vomi la corruption et conspué les faux dévots. Un tableau très contemporain de toutes les grandes capitales. Tout au plus manque-t-il au Président russe cet humour roboratif qui marque la signature du poète latin. Personne ne doute donc chez lui de la mens sana de Vladimir : sa longue carrière aux affaires publiques témoigne en sa faveur. Et l’agacement respectueux qu’il inspire à ses homologues étrangers démontre qu’il n’a pas la consistance d’un blini mollasson. Même l’Oncle Sam le ménage ; seul le candidat républicain à la présidence lui promet pis que pendre – mais c’est le sort que Romney réserve à tous les étrangers qui ne vénèrent pas le drapeau américain. Bref, sa stature de Chef d’Etat est solidement campée. Et pourtant.

Et pourtant Poutine met-il un soin obsessionnel à prouver à ses concitoyens qu’il est pourvu d’un corpore sano. Comme si la performance physique était un attribut essentiel du pouvoir en Russie. Personne n’imagine un seul instant Merkel sur un tatami, Monti sur une Harley-Davidson en compagnie de bikers hirsutes, ni Samaras plongeant dans la mer Egée à la recherche d’amphores (encore que la découverte d’un trésor lui serait bien utile). Personne n’imagine davantage Hollande sur un ULM, guidant la migration des grues sur un trajet qu’elle connaissent mieux que lui. Tout cela, Vladimir l’a fait. Et bien d’autres exploits encore. Si bien qu’il aurait apparemment abîmé son corporem, à la suite de sa tentative (avortée) de guider les grues sibériennes. Toute la Russie est en émoi et s’interroge sur l’état des lombaires poutiniennes, en dépit, ou à cause, des innombrables communiqués officiels affirmant qu’il est en parfaite santé. Et que s’il ne quitte pas sa datcha privée, c’est pour ne pas aggraver les embarras de circulation de la capitale. L’excuse n’est pas très crédible, on s’en doute. Les Européens font peu de cas des élongations du tsar mais critiquent ses choix politiques : les grues de Sibérie n’ont pas besoin d’aide pour aller pantoufler sous des cieux plus cléments. En revanche, il serait souhaitable d’empêcher les grues ukrainiennes de migrer vers l’Ouest, en quête de confort marital ou de commerce luxurieux. Car l’OMC est impuissante à enrayer cette concurrence déloyale : l’Ukrainienne est dotée d’un plumage chatoyant qui supplante celui des autochtones. Voilà qui explique l’inquiétante poussée du chômage chez les candidates locales à l’appariement, bénévole ou tarifé. Poutine ferait bien de se bouger.

La recette du jour

Energies renouvelables

Vous redoutez les rigueurs de l’hiver qui s’approche. Si vous êtes sportif, suivez un vol de grues sibériennes : elles vous conduiront vers le soleil. Si vous êtes plutôt pantouflard, attendez patiemment un vol de grues ukrainiennes – elles migrent toute l’année, se posent n’importe où et portent dans le cœur la chaleur que vous convoitez.


Jean-Jacques Jugie