Rouler au grazole


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9 novembre 2012

Maintenant que notre industrie va retrouver la compétitivité qu’elle mérite, il est temps pour le citoyen ordinaire de se mettre au niveau des ambitions du pays. D’autant plus qu’il revient au contribuable de financer le programme de remise en forme de ses firmes : chacun va donc devoir améliorer la productivité de ses propres ressources. La bonne nouvelle, c’est qu’il est possible de faire d’une pierre deux coups. Car l’un des fléaux de notre société de consommation, c’est le gaspillage. Avec les monceaux de déchets qu’il occasionne, dont l’élimination oblige à pratiquer la discipline exaspérante du tri sélectif, tout en coûtant un bras en taxe d’enlèvement des ordures ménagères. Pas question pour autant de recycler soi-même la ferraille, le verre, les textiles et les vieux cartons : nos industriels sont déjà très compétitifs en la matière. En revanche, les déchets non recyclables encombrent nos poubelles alors qu’ils constituent un véritable trésor : une source d’énergie toujours renouvelée.

Il convient donc d’extraire de la cave la vieille lessiveuse de grand-mère : on la remplira des déchets alimentaires ordinaires dont la décomposition produit du méthane et un compost efficace pour les géraniums du balcon. Sur lequel on fera paître quelques bovins, afin de pouvoir prélever dans leur panse les bactéries anaérobies qui catalysent efficacement la production de gaz. Et après l’abattage des bêtes, surtout ne rien jeter : on connaît l’usage immémorial de la peau, mais les os remplacent désormais certaines matières plastiques et la graisse est promise à un recyclage providentiel. Au lieu d’être ajoutée aux steaks hachés et faire de nos mouflets des candidats à l’obésité et à l’hypercholestérolémie, les graisses bovines sont maintenant transformées en biocarburant. Les agriculteurs périgourdins avaient ouvert une voie artisanale en nourrissant leurs tracteurs à la graisse de canard – qui améliore la longévité des moteurs en les protégeant de l’infarctus, selon la légende locale. A l’avenir, l’usine du Havre traitera le gras en gros, si l’on ose dire. Voilà une illustration réconfortante de la compétitivité française : autrefois, il fallait deux bœufs pour faire avancer un véhicule. Désormais, leur graisse suffit. En France, on n’a pas de pétrole, mais on a des charolais. Dont on extrait le grazole, un carburant savoureux.

La recette du jour

Santé en distillat

La santé de notre espèce a deux ennemis majeurs : les sucres et les graisses. Celles-ci étant désormais réservées à l’automobile, attaquez-vous à ceux-là. Confisquez à vos enfants les bonbons d’Halloween, faites-les fermenter et distillez. Vous obtiendrez un excellent carburant pour votre bagnole. Et de la gnôle pour fêter votre victoire définitive sur le diabète et l’obésité.


Jean-Jacques Jugie