Le cow-boy et le millefeuilles


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12 novembre 2012

Il y aurait des cow-boys en Suisse, figurez-vous. Français, de surcroît. C’est le nom dont les locaux ont gratifié les inspecteurs de la Direction nationale des enquêtes fiscales (DNEF), qui sous le statut de « vacancier » sont engagés dans un safari un peu particulier : traquer le fraudeur. C’est-à-dire le contribuable qui s’est domicilié dans une commune helvétique sans y résider vraiment, où qui y a logé son activité économique sous la forme rudimentaire d’une boîte aux lettres. Le job de ces cow-boys consiste donc à démontrer que des broutards français paissent fictivement sur les grasses prairies suisses, et de ramener le troupeau dans l’enclos hexagonal. On s’en doute, les autorités autochtones apprécient modérément la chevauchée des barbouzes du fisc français, irrégulière au sens des conventions internationales mais difficile à combattre par les voies officielles. Car on ne peut empêcher les fonctionnaires français de passer leurs vacances en Suisse, ni leur reprocher de se montrer curieux des us et coutumes de ses résidents d’importation. A moins d’instaurer le délit d’espionnage fiscal dans l’arsenal réglementaire helvétique.

En réalité, la démarche des autorités françaises repose sur un malentendu. C’est à tort que ses ressortissants nomades sont soupçonnés de tricherie fiscale. D’abord parce ce qu’il n’y a pas de raison objective : rares sont les pays aussi cléments que le nôtre, ne taxant qu’à 75% les hauts revenus et à 1,5% les gros patrimoines. La vraie raison de l’exil, réel ou simulé, c’est la gourmandise. Pourquoi croyez-vous que les Français soient attirés par la Belgique ? Parce que ce pays détient, depuis 1992, le record du plus grand millefeuille du monde. C’est donc pour pouvoir se taper de la pâtisserie au kilomètre que nos riches compatriotes s’approchent de la table belge. Mais l’Office du tourisme suisse n’entend pas se laisser distancer. Genève a, ce week-end, nettement détrôné Bruxelles, en améliorant le record dans des proportions spectaculaires. Un pays qui consacre son temps, son énergie et son argent, à fabriquer un millefeuille de 1 221 mètres, ce pays peut-il être soupçonné de protéger délibérément des délinquants fiscaux ? Non, trois fois non. S’attaquer à un tel record suppose d’avoir atteint un niveau très élevé sur l’échelle Richter de l’absurdité. Ce n’est pas compatible avec les finasseries machiavéliques qu’il faut déployer pour attirer chez soi les laitières françaises, lasses de se faire traire par les vachers de la DGI.

La recette du jour

Carrière de recordman

Vous êtes en quête d’une activité originale. Devenez collectionneur de records. Le marché est immense : il suffit de fabriquer la chose la plus longue, la plus lourde, la plus haute, la plus tout-ce-que vous-voulez, sous la réserve expresse que ce soit strictement futile. Vous mériterez alors votre place au Guinness, le Who’s Who du crétinisme des temps présents.


Jean-Jacques Jugie