Involution copernicienne


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14 novembre 2012

Nous ne mesurons pas notre chance de vivre des temps aussi bouleversants pour l’évolution de la pensée. Nous avions tort de considérer la réflexion politique comme sclérosée. Grâce à la première conférence de presse présidentielle de cette législature, nous voici attirés vers la lumière : nous serions engagés dans une « révolution copernicienne ». Fruit des méditations hollandiennes sur la pensée socialiste, « pendant des années avec lucidité ». Une pensée ainsi résumée : « Il y a toujours eu deux conceptions, une conception productive - on a même pu parler du socialisme de l’offre - et une conception plus traditionnelle où on parlait de socialisme de la demande ». Bon sang, c’était donc ça ! On comprend mieux maintenant pourquoi le dogme ne fonctionnait pas bien lorsqu’il était mis en application : à cause des divergences théologiques. La révolution en cours, c’est rendre « notre offre plus compétitive » et en même temps « préserver la demande ». Une sorte de Concile de Nicée visant à la pacification œcuménique de l’offre et de la demande, ce que les Chinois ont déjà entrepris avec le « socialisme de marché ». Voilà qui ressemble davantage à une involution qu’à une révolution.

Quel est le principal pilier de cette approche héliocentrique de l’organisation du monde ? De la même façon que la Terre tourne autour du Soleil, la France est un satellite des Etats-Unis. Le précédent Président français avait déjà joué le rôle d’Aristarque de Samos dans l’allégeance gravitationnelle de notre pays à l’astre étasunien. La théorie est maintenant confirmée : Paris se fait l’échanson de Washington et « reconnaît la Coalition nationale syrienne comme la seule représentante du peuple syrien et donc comme le futur gouvernement provisoire de la Syrie démocratique ». L’exercice est assez hardi car il défie les lois ordinaires de la raison : reconnaître une entité dont personne ne connaît vraiment la composition, ni les intentions, pas même les Américains qui l’ont bricolée de toutes pièces, car l’opposition locale n’était pas tout-à-fait à leur goût. L’Oncle Sam ne tolère les révolutions, ou ne les suscite, que si le scénario et le casting sont conformes aux canons hollywoodiens. Il en résulte généralement un spectacle qui dégénère rapidement en confusion. Voilà pourquoi la référence à une révolution copernicienne n’est pas nécessairement très pertinente. Copernic avança une thèse contraire au consensus de son temps et l’avenir lui donna raison. Aujourd’hui, la France enfonce les portes ouvertes d’un dogme bien établi et l’avenir promet de lui donner tort. Car si la Maison-Blanche fait bel et bien tourner le monde, il n’est pas certain que ce soit dans le bon sens. Ni que l’astre américain ait encore assez d’énergie pour assumer ses prétentions à demeurer le centre de l’Univers.

La recette du jour

Le normal et le singulier

Vous avez hérité de hautes responsabilités et cherchez à crédibiliser votre leadership. Si vous faites allégeance normale au plus fort, ni ce dernier, ni vos ouailles, ni vos ennemis ne vous respecteront. Adoptez plutôt une stratégie critique à l’égard du consensus dominant : l’avenir vous donnera peut-être tort, mais vous ferez raison de vos contradicteurs par votre insupportable singularité.


Jean-Jacques Jugie