Père Noël et Saint-Nicolas


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19 novembre 2012

On le soupçonnait déjà, mais Louis Gallois nous l’a récemment démontré : pour survivre dans nos sociétés, il faut être compétitif. Parce ce que tout est devenu sujet de guerre, voyez-vous, même entre personnes qui ont d’excellentes raisons de faire cause commune. Dans les couples, par exemple, les chamailles se multiplient pour déterminer qui amènera les enfants à l’école, qui fera la queue au supermarché ou qui ira, avec ses copains, voir le PSG se prendre une taule pendant que le conjoint assure l’intendance domestique. Tout ça, c’est à cause du virus démocratique, qui a envahi le quotidien jusqu’à contaminer la vie familiale. Au point de bouleverser des usages millénaires qui donnaient toute satisfaction : monsieur au bistrot, madame aux fourneaux et soupe à la grimace au dîner. C’était quand même plus pépère que les hostilités dès avant le petit-déjeuner. Et plus sécurisant pour les enfants, désormais confrontés, dès leur plus jeune âge, à la crainte de voir éclater leur foyer. Voilà maintenant qu’un nouveau sujet de stress leur est infligé : la compétition des Pères Noël.

C’était ce week-end à Gällivare en Laponie, pas loin du Cercle polaire où se reposent les Pères Noël avant leur épuisante tournée de fin d’année. Autrefois, la corporation était un modèle de paix, de sérénité et de confraternité, en phase avec sa haute mission : entretenir chez les mouflets l’illusion d’un monde merveilleux. Voilà maintenant que ces marchands de rêve ont décidé de s’affronter dans des « Jeux d’Hiver du Père Noël », destinés à distinguer celui d’entre eux qui sera le chef. Au travers d’épreuves aussi incongrues que le rodéo à dos de renne (inutile, car ils ont un traineau), ou aussi débiles que le concours de vitesse pour avaler une assiette de porridge (cruel, car l’avoine est destinée à l’attelage, pas au conducteur). Bref, des exercices sans rapport avec la fonction, qui suscitent l’acrimonie plutôt que la cohésion et qui finalement, ternissent l’image de l’institution. Un peu comme ce qui se passe aux Etats-Unis, dans la compétition appelée « primaire » au sein des grandes factions politiques. Et qui provoque ordinairement des rancœurs ineffaçables, voire des haines éternelles, tant dans les rangs du vainqueur que dans ceux du vaincu. Ce n’est pas chez nous que l’on verrait un spectacle aussi désolant au sein du plus grand parti d’opposition. Car les votants seraient capables d’écorner la réputation et l’égo des Pères Noël en lice, en plébiscitant Saint-Nicolas.

La recette du jour

Démocratie de l’arbitraire

Vous avez été nourri au biberon des valeurs démocratiques et gavé aux vertus supposées du principe « un homme, une voix ». C’est bien joli, mais si chacun donne son avis, on arrive rapidement à la chienlit. Attribuez-vous le pouvoir au sein de la famille. Vos décisions auront la même impopularité (50/50), mais vous aurez évité la lutte fratricide d’une campagne.


Jean-Jacques Jugie