Conscience et indécence


Blog


21 novembre 2012

Nous vivons des temps formidables. On reconnaît les temps formidables à l’intensité des discussions de bistrot, qui sont alimentées par les brûlants « sujets de société ». Une question capitale, si l’on ose dire, vient d’être soulevée par un élu soucieux de restaurer les finances nationales, la justice fiscale et la moralité publique : faut-il taxer les gains de jeu lorsqu’ils sont « indécents » ? Jusqu’à ce jour, le législateur avait apporté une réponse pragmatique, en taxant le flambeur sur sa mise plutôt que sur ses gains : ça rapporte beaucoup plus, bien que « 100% des gagnants [aient] tenté leur chance », selon l’allégation spirituelle de la Française des Jeux, que nombre de nos concitoyens trouvent « exagérée ». Ainsi, le pékin demeure moralement irréprochable tant qu’il jette son argent par les fenêtres du hasard ; mais il devient indécent en cas de gain. Ce qui heureusement ne se produit que très rarement. L’élu vertueux se montre toutefois imprudent en soulevant une telle question. Car la pratique ordinaire de la gent politique consiste à vendre du rêve de prospérité à ses concitoyens : il y a apparemment aussi peu de gagnants qu’au Loto, mais au jeu du bulletin dans l’urne, même les perdants écopent d’une volée d’impôts.

Mais peut-être chacun pourra-t-il bientôt bénéficier de l’évolution doctrinale significative à laquelle semble promis le Code civil. Pour l’instant réservée aux magistrats communaux, qui pourront faire valoir leur «  liberté de conscience ». Bon, d’accord : cette liberté est reconnue à tout le monde. Mais elle n’est pas opposable à la loi. Sauf pour les Maires, lorsqu’il s’agira de la « démocratisation » en cours des justes noces. Ceux des élus dont le « mariage pour tous » heurte la conscience, que ce soit au nom de la décence ou d’autres motifs. Voilà qui introduirait une novation de taille dans notre système juridique : nul n’est censé ignorer la loi, mais les magistrats pourraient s’asseoir dessus. S’il s’avère nécessaire d’opérer un tel bouleversement, c’est peut-être qu’il est saugrenu de mettre la pression sur la liberté de conscience des maires pour une question anecdotique de bague au doigt. Plutôt que de dynamiter l’architecture du Code civil et la paix sociale, sans doute serait-il bienvenu de classer sans suite ce projet d’épousailles novatrices.

La recette du jour

Impôt et conscience

Vous avez le sentiment que l’argent de vos contributions n’est pas nécessairement utilisé à bon escient. Vous n’êtes pas le seul : le FMI, la BCE, Angela Merkel et les Agences de notation disent la même chose. Faites valoir votre liberté de conscience pour refuser le paiement des impôts. Si ça ne marche pas, menacez votre percepteur de l’épouser en toute légalité.


Jean-Jacques Jugie