L’inexorable densification des villes et villages


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19 décembre 2012

De nombreuses règles d’urbanisme, imposées aux communes, visent à rendre incontournable, sinon obligatoire, la densification. Une arme de lutte contre l’étalement urbain à manier avec précautions.

La croissance démographique et l’éclatement des foyers rendent nécessaire la construction massive de logements. Ce phénomène consomme beaucoup d’espace, d’autant que beaucoup de nos concitoyens souhaitent habiter un pavillon individuel. La multiplication des lotissements dans les communes péri-urbaines traduit cette tendance. En outre, pour développer l’activité économique créatrice de richesses et d’emplois, les communes multiplient également les zones d’activités. Le tout nécessite des infrastructures (routes etc…).

Hélas notre territoire n’est pas extensible et cet « étalement urbain » se fait au détriment des espaces naturels ou agricoles. Environ 60 000 hectares de terres naturelles ou agricoles disparaitraient chaque année en France sous l’effet de l’urbanisation. Les surfaces artificielles (routes, bâtiments, parkings, etc.) augmentent trois fois plus vite que la population.

Face à ce constat alarmant, et depuis de nombreuses années déjà, les urbanistes préconisent de densifier les espaces urbains existants. En concentrant une population plus importante sur un même espace, on limite le grignotage des espaces agricoles ou naturels, on optimise les investissements publics, en particulier, les transports publics et les réseaux divers (assainissement et autres), on limite les déplacements…

A priori, on ne peut qu’être favorable à la préservation des espaces naturels ou agricoles. Tant qu’il s’agit de combler les dents creuses ou de reconquérir les friches urbaines, la population approuve la densification, mais lorsqu’il s’agit de densifier leur environnement en construisant plus haut ou plus serré, nos concitoyens se montrent généralement hostiles. La réaction est légitime car on ne peut nier que la densification emporte des conséquences tangibles pour les populations qui redoutent une dégradation de leur qualité de vie, liée notamment à la promiscuité et à l’augmentation des nuisances qui en découlent.

Retournement de tendance

Pourtant, on le sait peu, depuis longtemps, le législateur a clairement décidé d’imposer la densification urbaine. Ainsi, discrètement, les règles nationales et locales imposent, envers et contre tout, cette densification, désormais érigée au rang de véritable dogme. La population n’a nullement conscience de ces règles contraignantes, pas plus que les élus ruraux, qui les découvrent souvent avec étonnement et résistance, redoutant qu’elles dénaturent leurs communes.

Les dernières grandes lois en matière d’urbanisme et notamment la loi Grenelle 2 de l’environnement ont fixé des règles toujours plus exigeantes, au point que le Code de l’urbanisme prévoit désormais, à tous niveaux, de nombreuses règles visant à rendre incontournable sinon obligatoire la densification.

Ainsi, le droit de l’urbanisme connaît probablement, depuis quelques années, un véritable changement de paradigme. En effet, depuis plusieurs décennies, une des principales préoccupations des règlements d’urbanisme consistait à limiter la densification des espaces urbains en y imposant un « coefficient d’occupation des sols » (COS) qui limitait les surfaces constructibles en fonction de la superficie du terrain. Désormais, la tendance est plutôt à la suppression des coefficients d’occupation des sols en secteurs urbains voire même, dans certains cas particuliers, à imposer un COS minimum à proximité des principaux axes de transports en commun. On assiste donc à un véritable retournement de tendance dans la philosophie du droit de l’urbanisme. Et le processus n’est probablement pas encore fini… Nous nous trouvons probablement à une époque charnière.

Quels outils ?

La mesure la plus emblématique de ce bouleversement de la philosophie de l’urbanisme réside probablement dans la possibilité, pour les communes qui le souhaitent, d’imposer, depuis 2010, un COS minimal à proximité des principaux axes de transports en commun.

De même, le versement pour dépassement du plafond légal de densité prévu dans le Code de l’urbanisme a été supprimé. Désormais, au contraire, les communes qui le décident peuvent pénaliser financièrement les constructions qui ne satisfont pas aux objectifs de densité en les soumettant à un « versement pour sous-densité ». Dans le prolongement de cette tendance, en ville l’espace pourrait donc devenir un luxe.

Les communes ont, à leur insu bien souvent, perdu une part de leur souveraineté dans l’élaboration de leurs choix urbanistiques. En effet, qu’elles le veuillent ou non, nombre d’entre elles sont obligées d’intégrer la densification dans leur plan local d’urbanisme (PLU). Les Schémas de Cohérence Territoriale (Scot) élaborés au niveau intercommunal ont l’obligation légale de lutter contre l’étalement urbain et peuvent, par exemple, interdire aux communes de prévoir des COS ou des hauteurs trop faibles.

Dans le même sens, mais de manière facultative cette fois, les communes peuvent autoriser des dépassements de la densité fixée par le COS jusqu’à 50 %, pour certains projets de logements notamment s’il s’agit de HLM ou de logements performants énergétiquement. Une récente loi, déjà abrogée avait même tenté d’imposer aux communes un dépassement du COS (et d’autres règles) dans la limite de 30 %.

De nombreuses autres règles encore visent à faciliter la densification et dérégulent l’urbanisme, comme par exemple la possibilité de régénérer les droits à construire d’un terrain à chaque division de parcelle.

Naturellement, il ne faut pas voir dans cette énumération, non exhaustive, un péril grave qui risquerait de défigurer villes et villages, car la densification ne s’applique évidemment pas de la même manière dans un bourg rural ou en centre-ville. Néanmoins, si l’on veut bien s’affranchir de la vision angélique du dogme de la densité, il faut alors reconnaître que la densification urbaine est un phénomène probablement utile mais périlleux et qu’une densification mal maîtrisée est ravageuse. L’arme de la densité, peu acceptée par la population, doit être expliquée de manière pédagogique et maniée avec discernement en s’adaptant très finement aux circonstances locales.


Paul-Guillaume Balaÿ, avocat au barreau de Lille