Le mot de la fin


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21 décembre 2012

Il va falloir se montrer indulgent, ce matin : le billettiste est un peu pressé – comme tout un chacun, suppose-t-on. Mais enfin, l’effervescence est bien compréhensible : ce n’est pas tous les jours la fin du monde. Et l’opportunité permet de se rendre compte de tout ce qui reste en suspens, par paresse, par négligence ou par mauvaise foi : la note de l’épicier, les honoraires de la pythonisse, les étrennes de la concierge ou l’abonnement à Bonnes Soirées – autant de dettes qu’il convient de solder d’urgence, au risque de passer pour un profiteur d’apocalypse. Quant aux impôts en retard et au découvert bancaire, eh bien, autant l’avouer sans vergogne : ça attendra. Au cas où Armageddon ne serait pas pour aujourd’hui, on renverra ces règlements à la prochaine échéance, que les scientifiques ont déjà fixée : dans 4,8 milliards d’années. Voilà qui promet une sacrée pelote en intérêts de retard, mais bon, d’ici là, on aura sans doute eu le temps de faire fortune.

Apparemment, notre espèce est régulièrement contaminée par les frayeurs millénaristes. Un éminent chercheur prétend que la panne du calendrier maya serait la 183ème à être inventoriée, à tout le moins depuis que l’Homme est capable de laisser une trace durable de ses cacas métaphysiques. Nous autres Hexagonaux n’avons pas été épargnés par la pétoche cataclysmique : nos ancêtres les Gaulois redoutaient en permanence que le ciel leur tombe sur la tête. Ce qui a fini par arriver à leurs lointains descendants, sous la forme métaphorique d’un déluge d’impôts. Le plus déroutant dans cette affaire, c’est que depuis son évolution remarquable en sapiens sapiens, l’ex Cro-Magnon soit hanté par une catastrophe exogène, alors qu’il fait tout ce qu’il peut pour la provoquer lui-même. Les catalyseurs ne manquent pas : les guerres, la pollution, les hommes politiques, la tambouille atomique, l’alchimie virale, les hommes politiques – oui, on les a déjà cités, mais ils sont deux fois pires (emprunt à une réplique de Schwarzenegger dans Last action hero, son chef d’œuvre immémorial). Si bien qu’il faut se rendre à cette évidence : tout a commencé il y a longtemps, quand l’Homme a été capable de distinguer entre le Bien et le Mal. Et que, sans hésiter, il a choisi le Mal : c’est ça, l’Apocalypse. Le monde a alors pris fin et s’est transformé en enfer. La rédemption viendra par le Soleil, quand il grillera notre méchanceté pour l’éternité. Bon, voilà ; sur cette excellente nouvelle, on vous laisse : il est temps de regagner l’abri antiatomique.

La recette du jour

Penitenziagite

La fin du monde arrive et vous constatez que vous n’êtes pas prêt. Rassurez-vous : c’est toujours comme ça. Réservez illico un vol pour Mexico et emportez marteau et burin dans vos bagages. Arrivé à destination, vous graverez une suite salutaire au calendrier maya. Il vous restera ainsi 4,8 milliards d’années pour faire pénitence. Vous connaissant, ce sera tout juste suffisant.

[Compte tenu du contexte, ce billet est le dernier de l’année. Ou le dernier pour l’éternité. Négociations en cours avec Saint-Pierre pour l’ouverture d’un blog dans le journal de l’au-delà.]


Jean-Jacques Jugie