L’enfer des milliardaires


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3 janvier 2013

La vie est pavée d’injustices. Bon, d’accord, ce n’est pas un scoop. Mais vous auriez tort de geindre sur votre sort, sauf si vous faites partie du club des milliardaires. Car pour eux, la situation est bien pire. A cause du classement. Oui, vous le savez bien : chaque année, le magazine Forbes publie le palmarès des dorés-sur-tranche. Normal : Forbes, c’est un peu le Gala des happy few. Ils ont droit, eux aussi, à leurs potins de concierge. Mais voilà maintenant que Bloomberg, le célèbre dealer d’informations financières, s’est mis en tête d’établir son propre classement. On croyait pourtant que c’était une maison sérieuse. Enfin, bon : pour damer le pion à Forbes, Bloomberg a choisi d’actualiser chaque jour son tableau d’honneur. Il est en effet capital de savoir en live qui a la plus grosse – la plus grosse fortune, s’entend. Les conséquences sont tyranniques pour les intéressés : ils ne peuvent plus rien dépenser sans que les analystes viennent dépouiller leurs facturettes et ausculter leurs talons de chèques. Qu’une vieille dame de Neuilly décide de faire la charité à un photographe famélique, et hop ! elle se retrouve déclassée et en camisole de force. Cruel. Voilà sans doute qui éclaire un phénomène jusqu’alors inexpliqué : si les milliardaires ne sont pas plus généreux, c’est par crainte d’être classés zinzins par leurs héritiers.

En tout cas, les injustices vont se nicher partout. Voyez par exemple le duo Bill Gates et Warren Buffet, partenaires de bridge et complices en commandos humanitaires. Ils figurent toujours dans le haut du classement, alors qu’ils clament tous deux leur désir irrépressible d’abandonner leur fortune aux bonnes œuvres. Du flan. Ils ont trop peur de se retrouver à l’asile. De la propagande pour faire cracher les autres au bassinet de leur fondation. Et les frères Koch, vous connaissez ? Ils détiennent 85% de Koch Industries Inc, un mastodonte du pétrole et de la chimie. Non coté, s’il vous plaît. Ils sont ex-aequo à la 6ème place alors que leur avoirs cumulés dépassent ceux du 1er, le Mexicain Carlos Slim. Certes, les Koch ne sont que frères. Mais frères jumeaux. Puisqu’il est bientôt licite d’accoupler deux individus de même sexe, il serait convenable d’acoquiner le patrimoine des homozygotes sur le podium de Bloomberg. Le déclassement des frères Koch est une atteinte intolérable à leur besoin légitime de frimer devant leurs petites copines. Une telle injustice est révoltante. Il faut lancer dès aujourd’hui une pétition. Et si ce n’est pas suffisant, on défilera de République à Nation. Enfin, pas tout de suite. Dès que les beaux jours seront revenus : la vertueuse indignation ne justifie quand même pas de risquer une méchante congestion.

La recette du jour

La fortune pour les nuls

Vous rêvez depuis longtemps d’être pété de thunes, sans en avoir trouvé le moyen. Devenez photographe à Neuilly et traînez dans les rues jusqu’à ce qu’une vieille dame vous tombe dessus. Si vous n’aimez pas la banlieue pouilleuse, trouvez votre frère jumeau qui a réussi dans la pétrochimie. Et pour être dans le classement Bloomberg, épousez-le.


Jean-Jacques Jugie