Le bien-être en QCM


Blog


11 janvier 2013

6.8 sur 10, est-ce une bonne note ? Sur l’échelle de Richter, c’est déjà un joli séisme bien destructeur. Sur l’échelle de Scoville, qui mesure la force des piments, c’est l’échelon brûlant juste en dessous du torride Cayenne. Pour le cancre près du radiateur, c’est un triomphe, mais une banane pour le fort en thème. Sur l’échelle de la douleur, c’est le niveau que le costaud des Batignolles trouve pénible et celui où les mauviettes s’apprêtent à chialer. Autant dire que toutes les notations ne renseignent pas avec autant de précision que la balance Roberval. Comme celle du «  bien-être ressenti » que vient d’établir l’Insee, à partir d’un QCM largement diffusé. L’indice moyen de satisfaction dans la vie ressort ainsi à 6.8, ce qui n’est pas si mal pour une population incendiée par des impôts tabasco, noyée sous un tsunami de billevesées télévisées et douloureusement éprouvée par les coliques métaphysiques de la démocratisation du mariage. Il n’y aurait que 7% de Français « faiblement satisfaits » selon la norme Insee, c’est-à-dire « en galère » selon la définition des intéressés. Beaucoup moins que ne le laisseraient supposer les statistiques de distribution des revenus.

Vous avez mis le doigt sur la plus grosse surprise de cette étude : si les moyens financiers contribuent nettement au sentiment de bien-être, leur importance n’est pas déterminante. Ce que les commentateurs, jamais avares d’une hyperbole fleurie, ont traduit par le poncif selon lequel l’argent ne suffit pas au bonheur. Le bonheur ? Pourquoi pas le nirvana, tant qu’on y est ? Les travaux de l’Insee ne concernent pas le bonheur, cet état de lévitation béate uniquement accessible à ceux qui ont résolu l’intendance du bien-être. Il s’agit du sentiment de satisfaction, un objectif plus humble mais raisonnablement suffisant pour prévenir la déprime. Et là, l’étude ouvre une voie que les théoriciens ne manqueront pas d’emprunter avec intérêt. Les moins satisfaits des sondés identifient leurs manques (en matière de logement, d’équipement, d’alimentation et même de relations amicales - en dépit du gisement facebook) sans les relier nécessairement à leur impécuniosité. Ce qui induit une nouvelle approche pour nos sociétés abusivement qualifiées de développées : les besoins essentiels pourraient devoir échapper à la logique du marché. C’est-à-dire à la plaie d’argent, qui sans être mortelle n’en est pas moins très douloureuse. Sur le plan alimentaire, l’exercice devrait être aisé : selon une estimation récente, plus de la moitié des denrées n’arrive jamais dans l’assiette du consommateur. Pour de multiples raisons, dont principalement le gaspillage. Un peu moins de négligence et personne ne serait obligé de déjeuner dans les poubelles. C’est plutôt une bonne nouvelle…

La recette du jour

Chasse au gaspi

Vous avez pris conscience de l’incroyable gaspillage auquel se livre ingénument votre famille. En dépit de vos pressantes recommandations, la situation n’a pas évolué. Il vous faut agir. Une fois par semaine, servez au dîner le contenu de votre poubelle. Si vous n’observez aucun changement, il est temps que vous appreniez à cuisiner.


Jean-Jacques Jugie