Les angoisses du Livret A


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15 janvier 2013

Les Français ont hérité de leurs ancêtres gaulois la recette du sanglier rôti aux chanterelles et le génie de la chicane picrocholine. Si bien que chaque fois qu’ils parviennent à régler un différend dérisoire, ils organisent un banquet pour avoir une nouvelle occasion de s’écharper. Est-ce culturel ou génétique ? La Faculté se garde bien de trancher, pour préserver le folklore de ses échauffourées. Nous voici donc confrontés au psychodrame biannuel dont le cycle est autrement plus précis que celui des saisons : la fixation du taux du Livret A. Pour échapper à l’accusation d’arbitraire, le Gouvernement avait, en 2003, édicté une règle instituant un processus automatique de fixation. Deux modes de calcul dont le plus avantageux pour l’épargnant est retenu, sans tenir compte de l’âge du capitaine. Les commentateurs font état de la complexité de la formule : ils ont raison. Il faut maîtriser la technique de l’addition et de la division, et avoir assimilé le concept de l’arrondi « au quart de point supérieur ». Autant d’opérations savantes qui échappent à la compétence ordinaire d’un ministre des Finances, ce pourquoi elles ont été confiées à la responsabilité du Gouverneur de la Banque de France.

Après une bonne semaine de travail acharné, ledit Gouverneur a obtenu le résultat : le taux du Livret A doit être fixé à 1,50%, contre 2,25% actuellement. Apparemment, c’est une catastrophe, pour des raisons qui échappent au commun des mortels. En foi de quoi M. Noyer a-t-il brandi le joker que lui autorise le règlement. Des « circonstances exceptionnelles » ou le risque que « le pouvoir d’achat des épargnants » soit mis en péril justifient une dérogation : l’ancien taux est alors maintenu, jusqu’à ce que le Comité de la réglementation bancaire et financière « examine l’opportunité de le modifier  ». La France retient donc son souffle dans l’attente du verdict de ce Comité, présidé par le Ministre des Finances. On peut donc annoncer la couleur : le nouveau taux sera fixé à 1,75% selon les vœux du Gouvernement. Puisque le pékin paie ses achats quotidiens avec les intérêts de son Livret A, son pouvoir d’achat sera préservé. Merci monsieur le Ministre.

La recette du jour

Autocratie démocratique

Vous êtes responsable du train de vie de votre maison et votre famille ne cesse de contester votre gestion. Mettez-vous en pilotage automatique afin que vos décisions résultent d’une équation. Sous le contrôle d’un Comité que vous présiderez. Quand le résultat ne vous plaira pas, vous le modifierez en toute légitimité démocratique.


Jean-Jacques Jugie