La valeur et le prix


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17 janvier 2013

Une nouvelle fois, notre pays monte sur le podium. Grâce aux bons soins de l’hebdo britannique The Economist, qui ne rate pas une occasion de célébrer les charmes français. On plaisante, bien sûr : cette publication entretient, avec un enthousiasme indéfectible, le folklore des agaceries respectives qui marquent les relations entre nos deux pays depuis des temps immémoriaux. Bien avant la combustion de Jeanne d’Arc, en tout cas. Ainsi, The Economist vient de publier une étude sur le prix de l’immobilier résidentiel dans les principaux pays de la planète. Au travers d’une grille d’analyse qui lui est propre : les prix des loyers et des immeubles sont comparés à leurs moyennes historiques. Les écarts constatés font ainsi apparaître une sous-évaluation ou une surévaluation, l’une comme l’autre susceptibles de délivrer une information pertinente sur l’évolution du marché. La méthodologie est caractéristique du distinguo entre la valeur et le prix, que les économistes ont dû introduire dans la théorie dominante pour la faire tenir debout. Car les prix ne cessent de démentir la fameuse loi de l’offre et de la demande – l’équivalent de la gravitation universelle chez les astrophysiciens. En foi de quoi a-t-il fallu corriger la dérive par un nouveau lemme : le prix tend à s’ajuster à une valeur immanente, transcendantale, qui représenterait le « juste prix ». Si la correction ne se fait pas, c’est qu’il y a un bug quelque part : l’Etat, le plus souvent, qui perturbe les lois naturelles du marché par une réglementation hérétique. Vivement qu’il n’y ait plus d’Etat : on accèdera enfin au nirvana de la concurrence libre et parfaite. Et le prix aura de la valeur.

Mais revenons à nos moutons. L’étude en question nous pointe du doigt : l’immobilier français serait atrocement surévalué. Les bailleurs seront heureux d’apprendre que leurs rendements locatifs sont excessifs (ils ne l’avaient pas vraiment remarqué). Mais ce qui est peu contestable, c’est que loyers et prix d’immeubles parisiens sont devenus difficilement compatibles avec le pouvoir d’achat du pékin. Même les milliardaires russes arbitrent leur hôtel de Neuilly contre une fermette à Néchin. C’est un signe. Selon quoi The Economist pourrait avoir raison malgré son raisonnement critiquable : si les Etrangers n’achètent plus à Paris, les prix vont méchamment baisser. Mais la valeur demeurera, heureusement.

La recette du jour

Valeur d’espoir

Pour rétablir vos finances, vous êtes prêt à sacrifier votre collection de nains de jardin, d’une valeur inestimable. Mais le marché ne vous en donne qu’un prix rikiki. Prenez contact avec The Economist et commanditez un comparatif international, qui mettra en évidence une sous-évaluation manifeste de votre collection. Les spéculateurs se presseront alors au portillon.


Jean-Jacques Jugie