Le cerveau à 1 milliard


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25 janvier 2013

Voici poindre à l’horizon un sujet de chamaille qui, pour une fois, présente un intérêt avéré. Il s’agit de la contribution institutionnelle au financement de la recherche. Car lundi prochain seront officiellement nominés les deux lauréats du programme européen des Technologies Futures et Emergentes (FET), qui seront crédités d’un budget de recherche étalonné à 1 milliard d’euros sur 10 ans (financé à parts égales par l’UE et les Etats concernés). Les milieux scientifiques devraient ainsi s’écharper de nouveau sur cette question : les fonds publics doivent-ils être dispersés sur une myriade de chercheurs ou concentrés sur un nombre limité de projets ? Il n’y a probablement pas de réponse pertinente. Car pour donner toutes leurs chances aux avancées de la connaissance, il faudrait à la fois soutenir les multiples voies de recherche, dont la plupart n’aboutiront à rien de concret, et aussi mettre le paquet sur des projets ambitieux qui requièrent du temps et des budgets pharaoniques. Sans que le succès soit garanti, bien entendu. En cette période de disette publique, on se doute qu’une telle approche est totalement inconcevable.

Le débat promet d’être d’autant plus âpre que les choix du FET peuvent évidemment être soumis à la critique. Le Temps nous fait part de sa légitime satisfaction : sur les deux projets sélectionnés, l’un est originaire de l’Ecole polytechnique de Lausanne et l’autre, de paternité suédoise, intègre plusieurs groupes de recherche suisses. Preuve que ce n’est pas par hasard si la Suisse occupe une place éminente dans les secteurs de la pharmacie, de la chimie et, d’une façon générale, dans les sciences du vivant. L’un des projets concerne le graphène, un nouveau matériau doté de propriétés remarquables, qui ouvre le champ d’applications prometteuses pour peu que l’on parvienne à le produire de façon industrielle. Le choix de ce projet semble faire l’unanimité. L’autre est moins consensuel et autrement ambitieux : il s’agit de simuler le fonctionnement du cerveau. De percer, en quelque sorte, le coffre-fort qui renferme les secrets de l’intelligence humaine. Un objectif que d’aucuns jugent totalement irréaliste à une échéance aussi brève. Mais on comprend que les technos de Bruxelles aient été séduits par un tel challenge : ils aimeraient bien savoir comment fonctionne le cerveau collectif de la Commission. Nous aussi, avouons-le. Et si les chercheurs y parviennent, 1 milliard ne sera pas trop cher payé.

La recette du jour

Conscience sans science

Vous seriez prêt à miser gros pour savoir comment fonctionne votre cerveau. C’est humain mais complètement vain. Mieux vaut continuer d’ignorer pourquoi vous raisonnez comme un tambour mouillé. Car même en le sachant, vous n’y pourriez rien changer. Vous n’auriez alors d’autre issue que de vous engager à la Commission, qui s’honore de bannir toute réflexion.


Jean-Jacques Jugie