France, mère de la ganache


Blog


29 janvier 2013

Et un nouveau titre mondial pour la France ! C’était à Lyon, hier, au Salon international de la gastronomie. Devant un public de supporters déchaînés, que le journaliste de Ouest-France a croqué avec gourmandise : « La pâtisserie, c’est un peu comme le football, sauf qu’à la fin ce sont les Français qui gagnent ». Il est vrai que depuis la mise en place de cette compétition, nos Beckham du sucre filé, nos Ronaldihno de la ganache aérienne et autres Messi de la broderie feuilletée, nos artistes ont remporté le trophée une fois sur deux. Et que l’on ne soupçonne pas l’arbitrage de favoritisme ni nos champions de se doper à la crème double : le milieu professionnel est parfaitement fair-play et sait apprécier à leur juste valeur les œuvres des concurrents.

La réputation française en matière de gastronomie ne date pas d’hier. Rares sont les grands chefs étrangers qui n’ont pas fait leurs classes chez nos étoilés. Mais le culte du raffinement dans l’art culinaire se répand un peu partout, et de nouvelles nations revendiquent l’excellence gastronomique. Avec des arguments défendables, qui mettent en péril nos positions que l’on croyait indéboulonnables. Le principal motif tient sans doute au fait que la cuisine « à la française » évolue moins vite que le goût des consommateurs. Il n’y a pas si longtemps que le saucier était encore la vedette des brigades réputées, l’alchimiste rescapé du Moyen-âge qui saturait vos papilles et votre taux de cholestérol. Certes, la tendance à la légèreté s’est affirmée, mais nombre de maîtres-queux amateurs s’enorgueillissent encore de tenir leurs recettes de leur grand-mère. Ce qui est un label critiquable : la table d’Apicius était en son temps très courue. Mais personne ne pourrait aujourd’hui s’y installer sans gerber. Nos pâtissiers, au contraire, savent s’appuyer sur un savoir-faire ancestral en exploitant avec mesure les techniques et produits contemporains, et en respectant le goût et le tour de taille de leurs clients. D’authentiques artistes. A se demander s’il ne faudrait pas recruter nos gouvernants dans leurs rangs et renvoyer les énarques aux fourneaux. Car il semble bien que nos élites s’en tiennent aux recettes de grand-maman. Et personne ne parvient plus à les digérer.

La recette du jour

Crème de carrière

Vous vous apprêtez à intégrer l’Ecole nationale d’administration sur les conseils de votre grand-mère : elle prétend que c’est la voie royale pour faire carrière. Dès qu’elle aura le dos tourné, inscrivez-vous à l’Ecole nationale de pâtisserie : désormais, il est préférable de savoir confectionner une tarte à la crème que de se faire entarter.


Jean-Jacques Jugie