Le calvaire des tricheurs


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4 février 2013

La prestigieuse université d’Harvard serait-elle devenue un repaire de crétins patentés ? C’est ce que l’on pourrait redouter en découvrant qu’une cohorte d’étudiants vient de se faire virer, pour avoir fraudé à l’examen de l’été dernier. De multiples copies reprenaient mot à mot les mêmes paragraphes, entachés des mêmes fautes d’orthographe. Comment est-ce possible ? C’est que l’examen en cause consistait à rédiger un essai chez soi – mais sans aide extérieure, promis juré. Autant demander à un cycliste professionnel d’envoyer son échantillon d’urines par courrier. Bien que disposant d’un boulevard pour la triche, les étudiants ont ainsi préféré choisir un sentier infesté de douaniers. Lesquels ont quand même mis plus de six mois pour mettre à jour la contrebande. Il en résulte que les étudiants en cause ne sont pas très futés, et les gabelous universitaires pas très dégourdis. A moins qu’Harvard n’ait été aveuglée par le mirage de l’autorégulation, cette croyance en la probité naturelle de l’espèce humaine qui continue de ravager le système financier.

Il en va de même avec la sphère politique. Les principes fondateurs de nos démocraties électives excluent l’hypothèse sulfureuse de la corruption des élites. Pas de ça, Lisette. Il n’empêche que des esprits malveillants soupçonnent certains élus de ne pas savoir résister à la tentation. Pure calomnie, bien sûr. Voyez par exemple en Espagne. Le Premier ministre en exercice est accusé de se faire rincer depuis des lustres par le lobby de l’immobilier. N’importe quoi. La preuve : les promoteurs espagnols sont tous ruinés. Heureusement, l’accusé dispose d’un moyen imparable pour se disculper et il a annoncé son intention d’y recourir sans tarder. Avec la même méthode sophistiquée d’Harvard pour les devoirs à la maison : il va rendre publiques ses déclarations d’impôt, pour démontrer que n’y figure aucun revenu occulte. Finement joué : on voit bien que Rajoy est un juriste distingué. Bien que ne disposant pas d’informations d’initié, votre serviteur peut déjà l’annoncer : Mariano n’a jamais déclaré au fisc de revenus au noir. Jamais, c’est garanti. Seulement voilà : l’opinion ibérique est moins angélique que les correcteurs d’Harvard. En foi de quoi peut-on hasarder une nouvelle prophétie : il ne faudra pas six mois à Rajoy pour se faire virer. Bien sûr que c’est injuste, mais c’est ainsi : la vie publique contemporaine est un long chemin de croix vers l’infamie.

La recette du jour

Charité au noir

Vous avez fait semblant de croire que vos élus sont mus par la passion exclusive de l’intérêt général. Eux font semblant de résister à la tentation permanente de la corruption. Pas par noirceur d’âme, mais par charité : pour ne pas froisser votre fausse naïveté. Alors cessez de vous indigner et continuez de payer votre femme de ménage au noir, jusqu’à ce qu’elle puisse financer son diplôme d’Harvard.


Jean-Jacques Jugie