La cuisine au labo


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26 février 2013

C’est amusant de voir les autorités de contrôle se mettre tout à coup à ausculter la nourriture de leurs contemporains. On se demande bien pourquoi. Comme si elles avaient eu la révélation soudaine de possibles bidouillages, voire de fraudes délibérées, dans la bouffe servie au pékin. En foi de quoi les labos ont-ils exhumé les tubes à essais du fond de leurs placards, dépoussiéré les détecteurs à résonnance magnétique nucléaire et les spectrographes de masse – autant d’appareils capables de détecter un pissat de coccinelle dans un océan de jus de tomate. Les Américains viennent de mener une enquête sur le poisson servi à l’étal et dans les restaurants à sushis : les trois-quarts de ces derniers trichent sur les espèces servies. Et les poissonniers – Neptune leur vienne en aide – falsifient allègrement les étiquettes : le vivaneau et le thon blanc ne sont presque jamais ce qu’ils prétendent être, et des poissons d’élevage sont discrètement rebaptisés sauvages. En revanche, nul détaillant n’a tenté de remplacer les oursins par des roubignoles de cheval roumain. On a évité le pire.

En Suisse, les expertises les plus récentes viennent de démontrer la présence de porc dans les kébabs (0,1%, pas de quoi fouetter un cochonnet), ce qui est plutôt une bonne nouvelle : il y aurait donc un peu de viande dans ce machin infâme. Les Allemands en ont trouvé 7%, ce pourquoi les mahométans teutons sont soixante-dix fois plus indignés que leurs homologues helvètes. A ce rythme, ne soyez pas étonné si vous trouvez des mouches dans le vinaigre, un raton laveur dans le liquide à vaisselle ou un piano à queue dans la boîte aux lettres – en hommage à Jacques Higelin. Le phénomène n’épargne pas l’Italie. Non, pas avec les lasagnes : ils cuisinent eux-mêmes la bolognaise, eux. Mais avec les urnes : après leur ouverture, ils ont découvert qu’elles ne contenaient que quelques traces de Monti, alors que la Commission européenne, le Vatican et les marchés financiers, espéraient qu’elles en fussent bourrées. Résultat : le Dow Jones et le Nikkei ont pudiquement vomi leur optimisme prématuré. Ça ne les amuse pas qu’un saltimbanque patenté représente désormais le premier parti du pays. Pourtant, c’est ce qui finit toujours par arriver aux démocraties.

La recette du jour

Sécurité alimentaire

Vous ne savez plus quoi manger sans risquer de vous empoisonner : le poisson est en carton, les viandes dopées aux antibiotiques et les légumes génétiquement modifiés. Profitez de la période de Carême pour jeuner et réfléchir. A Pâques, faites l’acquisition d’un spectromètre de masse. Ou pour le même prix, un yacht qui vous permettra de pêcher le vivaneau rouge dans les profondeurs du Pacifique. C’est sain et délicieux.


Jean-Jacques Jugie