Le canasson et le papillon


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11 mars 2013

On va finir par tout savoir sur l’affaire de la lasagne chevaline. Bien sûr, c’est une histoire d’argent. Mais le consommateur est fautif : il réclame des prix toujours plus bas pour des produits toujours plus sophistiqués. Au bout du compte, il finit par en avoir pour son argent, selon les règles implacables de la concurrence sur un marché libre. Si le processus industriel permet de réduire considérablement les coûts de production, il y a quand même des limites à l’écrasement des prix de revient, que seule la magie peut dépasser. Ou la fraude, évidemment. Or, figurez-vous qu’en temps ordinaire, les carcasses de bœuf et de cheval se négocient à-peu-près au même prix. Il semble même que les morceaux nobles du canasson soient plus chers que leurs équivalents bovins. Il n’y a donc aucun intérêt à substituer l’un à l’autre sous prétexte d’économies, et au risque d’ameuter la cavalerie des contrôleurs toujours prêts à se mettre une infraction sous la dent. Alors, d’où vient le problème ? La réponse figure dans l’interview de ce spécialiste français interrogé par Le Temps : la responsabilité incombe au législateur roumain. Qui a interdit la circulation des véhicules hippomobiles sur la voie publique. Sans l’avoir vérifié, on suppose qu’il en est de même chez nous : personne n’a jamais doublé une calèche ou une diligence sur l’autoroute.

Voilà donc une illustration du fameux « effet papillon » d’Edward Lorentz, selon lequel le battement d’ailes d’un papillon au Brésil peut déclencher une tornade au Texas. Ou en d’autres termes, une ruade des parlementaires roumains peut provoquer le chaos sur le marché de la lasagne européenne. Car ce qui devait arriver arriva : devenus inutiles pour transporter leurs propriétaires, les chevaux de trait ont été envoyés en masse à l’abattoir. Et le prix de la barbaque a dégringolé, bien entendu. La suite n’est qu’une conséquence logique des mécanismes de marché, qui répugnent au gaspillage. Voilà pourquoi il est permis de s’inquiéter des tentations réglementaires de notre Gouvernement. Qui projette d’interdire la circulation aux moteurs diesel essoufflés. On redoute de trouver bientôt des arbres à cames dans le cassoulet et du gazole dans le whisky-soda. A moins que l’on ne refile nos tacots aux Roumains, en échange de leurs vieux bourrins.

La recette du jour

Nourritures spirituelles

Pour ôter toute suspicion à la nourriture industrielle, la France va imposer un étiquetage complet et circonstancié. Les 100 pages de l’étiquette seront offertes à tout acheteur de la barquette. Autant faire ses courses dans une bibliothèque.


Jean-Jacques Jugie