26 février 2024
La mutualisation et la maîtrise des risques sont les principes cardinaux de l’assurance. Même s’ils demeurent applicables, ces principes ont dû s’adapter à l’évolution de la vie humaine, et particulièrement par l’apparition des risques climatiques dans notre vie quotidienne. Pour ce faire, les assureurs adoptent une nouvelle position qui pourrait être qualifiée « d’assureur préventeur » (1).
La fonction classique indemnitaire de l’assureur se complète désormais par un rôle préventif portant sur l’impact environnemental des assurés découlant de leurs activités. Il vient de ce fait responsabiliser les assurés. Une telle intervention n’a pas pour finalité de se donner bonne conscience, mais pour limiter les effets dévastateurs d’un tel risque. L’indemnisation des risques
climatiques peut être très élevée. Selon le réassureur « Swiss Re », les événements extrêmes ont généré 146 milliards de dollars de perte économique dans le monde (2). En France, une étude de « France assureurs » publiée en 2015 évaluait à 13 milliards d’euros les dommages matériels imputés uniquement au changement climatique (3). C’est pourquoi, les acteurs de l’assurance participent à une politique de protection de l’environnement, qui se matérialise, aussi bien dans leurs choix d’investissement, que par l’instauration de nouvelles obligations.
Récemment, l’Union européenne s’est saisie de ces problématiques par la mise en place de règlements successifs. On peut citer notamment, le règlement Taxonomie (4) et le règlement SFDR ou Disclosure (5).
Tous deux sont désormais entrés en vigueur au sein de l’Union européenne. Ces textes encouragent les gestionnaires d’actifs à informer les clients de l’impact environnemental de leurs produits (6). Cette obligation d’information s’applique à l’ensemble du secteur des services financiers, et notamment aux assureurs. Par cette exigence, les assureurs souhaitent contribuer par leur couverture à un investissement durable. Le risque de durabilité signifie l’événement ou la situation dans le domaine environnemental social ou de gouvernance (ESG), pouvant avoir un impact négatif conséquent sur la valeur d’un investissement (7).
Au sein du règlement SFDR, le législateur européen envisage de mettre à la charge des assureurs une classification des produits selon leurs impacts environnementaux, à travers trois catégories :
– les produits financiers n’ayant aucune durabilité explicite (article 8),
– les produits ayant des caractéristiques environnementales ou sociales, mais sans critère de durabilité contraignants (article 9), et enfin
– les produits financiers à vocation durable avec des objectifs clairs et des critères contraignants (article 10).
A travers cette classification, l’assureur devra adapter son devoir de transparence.
De même pour certains produits financiers, les assureurs ont pour obligation de fournir dans la documentation précontractuelle, une information sur la prise en compte des risques de durabilité et l’impact éventuel qu’il pourrait avoir sur la rentabilité du produit. S’ils estiment que le produit considéré n’est pas concerné par ce type de risque, ils doivent l’indiquer dans leur documentation
précontractuelle par une explication claire et concise (8).
À noter que l’article 10 dudit règlement impose aux assureurs de retranscrire ces informations sur leur site Internet.
Une nouvelle obligation d’information confrontée aux pratiques du secteur assuranciel.
Les obligations réglementaires d’information sont contrebalancées par une réalité ne permettant pas un déploiement efficace de celles-ci. En effet, certains acteurs de l’assurance remarquent que ces nouvelles obligations « alourdissent le devoir de conseil des assureurs », déjà perçu comme significatif (9). Ce qui n’est pas anodin, car l’élargissement du devoir de conseil est forcément
susceptible d’engager plus facilement leurs responsabilités. Plus encore, le devoir d’information se heurte aussi aux foisonnements des différents labels et certifications sur le développement durable, ce qui ne facilite pas la tâche des assureurs qui doivent vérifier leurs cohérences d’un point de vue scientifique. Cette contrariété n’encourage pas les clients à investir dans des projets vertueux et peut, par cause à effet, limiter l’intérêt d’un tel devoir d’information (10).