Cacophonie en euro mineur


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19 mars 2013

Pour produire de la bonne musique, il faut un chef à la hauteur. Surtout s’il s’agit de jouer une partition révolutionnaire, dans laquelle les percussions écrasent les autres instruments. Après avoir écrit le brouillon de la marche chypriote, qui ramène l’orchestre à sa dimension du néolithique (une peau d’ours tendue, une massue), le Conseil européen s’est débandé dès la première répétition. Les violons sudistes sont inaudibles ; les bois éfémiens ne font pas des flûtes ; le chœur des vierges est étouffé ; même les cuivres teutons se dissolvent dans la canonnade de la grosse caisse. Le public ne suit pas : les règles immémoriales de l’harmonie ont été bafouées. Les mélomanes avertis sont atterrés par la rusticité de la partition. On est au regret de constater que cette œuvre collective n’a pas fait émerger un Mozart de la finance souveraine.

Devant la levée de timbales suscitée par cette incroyable représentation, les ministres des Finances de l’Union monétaire ont tenté un rétropédalage piteux : « La Zone euro est bien favorable à une taxe zéro pour les petits déposants » a déclaré leur porte-parole, afin de confirmer la compassion communautaire à l’égard du petit peuple. Quant aux modalités de ponction des comptes bancaires, « la décision appartient aux Chypriotes ». En d’autres termes, Nicosie n’a qu’à se dém… pour arranger le coup foireux, pour peu que le pays ramasse la galette des 6 milliards requis pour être secouru. On admirera pour l’occasion la docilité de la grande presse, qui reprend sans sourciller la thèse officielle selon laquelle il est « normal » que les clients des banques paient pour l’impécuniosité d’icelles. D’autant plus que les capitaux en cause seraient largement d’origine douteuse – ils appartiendraient à des Russes, ce qui disqualifie d’emblée leur blancheur. Et puis, enfin, on parle de Chypre. Un confetti sur la carte européenne. Une poignée de rastaquouères, mi-Grecs, mi-Turcs, mais tous entièrement négligents face à leurs obligations fiscales. De mauvais élèves. C’est donc un laboratoire intéressant pour tester une méthode de désendettement plus efficace encore que la matraque fiscale : le détroussement du pékin par ponction légale de sa cassette. Voilà une évolution spectaculaire du droit de propriété. Le législateur va-t-il opposer son bémol à la fanfare triomphante ? Réponse dans la journée.

La recette du jour

L’appel des steppes

Vous êtes pétrifié par l’inconséquence des décisions de l’Union européenne. Et atterré par le refus de chacun d’assumer les décisions communes. Vous êtes désormais décidé à vendre votre résidence de Néchin. Et à planter vos pénates dans les steppes sibériennes. Car il est plus agréable de trinquer avec Gégé que de se faire décaver.


Jean-Jacques Jugie