Edito - Les martyrs du temps présent


Politique


10 mai 2024

Retrouvez l’edito hebdo de Jean-Michel Chevalier pour bien finir la semaine

Plutôt expéditive lorsqu’il s’agit de clouer au pilori ceux qui ne partagent pas ses idées, la députée Mathilde Panot, cheffe de file des Insoumis, est aujourd’hui révulsée d’être convoquée pour répondre d’un communiqué qu’elle a publié après l’attaque du Hamas du 7 octobre dans lequel la justice subodore - peut-être – une « apologie du terrorisme ». Elle voit dans ce crime de lèse-majesté envers sa personne une «  fuite autoritaire en avant sans aucun précédent  » tandis que son groupe dénonce « une instrumentalisation de la justice pour faire taire des voix pro-palestiniennes  ». Dans un État de droit comme le nôtre, il semble cependant normal que quiconque ait à répondre d’écrits qui posent question, quand bien même il ou elle serait responsable d’un parti politique d’opposition. Les tentatives d’intimidation, évoquées par les Insoumis, seraient plutôt à chercher du côté de ceux qui crient le plus fort…


Est-ce parce qu’il a beaucoup « donné » pour aucun résultat en téléphonant et en se rendant à plusieurs reprises à Moscou pour convaincre Vladimir Poutine de ne pas envahir l’Ukraine qu’Emmanuel Macron est aujourd’hui aussi intransigeant envers le Kremlin, allant jusqu’à évoquer une deuxième fois en peu de jours « la possibilité » d’un envoi de troupes au sol. Sa rhétorique, qui n’est pas dénuée de bon sens sur le fonds, se heurte pourtant à la position plus retenue de l’Otan, peu enthousiaste à l’idée de se frotter à un ours mal léché dont on mesure, jour après jour, que son cynisme n’a d’égal que son absence de limites.


Kiev n’a pas de fausse pudeur et, plutôt que de simplement « geler » des avoirs russes en attendant des jours meilleurs (1), va mettre rapidement en vente le yacht luxueux d’un certain Viktor Medvedtchouk, oligarque ukrainien si proche de Poutine que celui-ci serait le parrain de l’une de ses filles. Il s’agit d’un modeste rafiot de 92 mètres, évalué à 200 millions de dollars, battant pavillon des îles Caïman, ayant sept suites luxueuses, disposant d’un salon de beauté, d’une salle de gym, d’une piscine de 12 mètres sur quatre alimentée par une cascade. ’My royal romance’, qui avait été intercepté au début de la guerre dans les eaux croates puis remis à l’Ukraine, mérite bien son nom. S’il avait eu aussi à son bord une piste de ski et un parcours de golf, peut-être que je me serais porté acquéreur, peut-être...


Puisque l’humoriste Guillaume Meurice, auteur d’une sortie particulièrement élégante sur Netanyahou - pour lui une «  sorte de nazi sans prépuce » - revendique une liberté de parole absolue dans ses chroniques radio, alors au nom de cette même liberté je dis ici qu’en récidivant ces mêmes propos il a commis une nouvelle faute en blessant une deuxième fois une partie de l’opinion. Qui n’a pas forcément de sympathie pour le Premier ministre israélien et pour sa politique à Gaza, ni l’envie d’écouter un humour douteux qui fait appel sur le ton de la rigolade aux pires heures du XXe siècle. Meurice, en martyr moderne, risque pour cela d’être viré de Radio France. Il nous avait habitué à tellement mieux. Un gâchis pour les auditeurs qui appréciaient son humour corrosif mais jusque-là pas déplacé.

J.-M. CHEVALIER

(1) Les États-Unis ont saisi en juin 2022 le yacht de l’oligarque Suleyman Kerimov. Entretenu par les autorités américaines depuis, la facture est maintenant jugée excessive par plusieurs procureurs américains qui demandent la vente du bateau pour ne plus avoir à le financer... aux frais du contribuable.


Jean-Michel Chevalier