Le bonheur de l’impôt


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3 avril 2013

Voilà enfin une étude réconfortante, menée conjointement par deux instituts (un français et un allemand) sur une période de 25 ans : le bonheur de l’individu est proportionnel à l’impôt qu’il acquitte. Enfin, pas exactement : disons plutôt qu’à revenu net égal, celui qui subit la plus forte ponction serait le plus heureux. Tel est du moins le cas au sein de la population allemande selon les conclusions des honorables universitaires. Nos voisins seraient ainsi emplis de satisfaction à l’idée qu’une lourde contribution permette d’améliorer les services publics et de favoriser la redistribution au profit des plus pauvres. Des Allemands les plus pauvres : s’agissant de subventionner les pauvres du Club Med, il semble que l’enthousiasme face à l’impôt soit plus mesuré – mais l’étude, apparemment, n’en fait pas mention. On pourra toujours interpréter différemment les résultats de l’étude : les chercheurs ont brillamment démontré que les Teutons bienheureux sont ceux qui jouissent du revenu brut le plus élevé. Confirmant ainsi qu’outre-Rhin, l’argent fait le bonheur. Ce qui n’est pas le cas chez nous, selon les sociologues anglais : en dépit de leurs salaires mirobolants, de leur temps de travail rikiki, de leur climat clément et de leur gastronomie raffinée, les Français ne parviendraient pas à être heureux sans se gaver de tranquillisants. Nos concitoyens sont manifestement insensibles aux bienfaits de la médecine fiscale.

On sait donc désormais pourquoi les gros contribuables allemands ne déménagent pas en Sibérie, ni ne planquent leurs sous au Luxembourg ou en Suisse. Enfin, pas tous. Les ministres, en tout cas, s’en abstiennent. Et les footballeurs professionnels ? On manque cruellement de statistiques sur la corporation allemande des footeux, alors que la France se passionne pour la sienne. Peu lui importe que les grandes entreprises soient tentées de s’exiler pour échapper à la ponction assassine des rémunérations millionnaires. Mais que ses clubs de foot soient en péril à cause d’une telle mesure, voilà qui est considéré comme une cause nationale. Heureusement, le discours officiel a été très clair : seuls les gros salaires sont concernés. Pour échapper au laminoir fiscal, il suffira aux vedettes du ballon rond de se constituer en entreprise individuelle, percevant des honoraires au lieu de salaires. Et de loger leur business dans l’un des quelques paradis qui demeurent ouverts à ceux qui sont malheureux de payer trop d’impôts. On peut faire confiance à l’ingénierie fiscale : elle va se décarcasser.

La recette du jour

Economies des 3/4

Vous dirigez une multinationale française et vous redoutez la ponction des trois-quarts sur les salaires de votre staff. Mettez fin au contrat de travail de vos cadres supérieurs. Exigez d’eux qu’ils constituent une EURL de droit irlandais que vous engagerez à leur place. Vous paierez des honoraires moindres que les salaires antérieurs et pas de charges sociales. Avec les économies réalisées, achetez-vous un club de foot.


Jean-Jacques Jugie