Prolifération du bovéquin


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12 avril 2013

Le saviez-vous ? En votre qualité de Français adulte, dûment vacciné et répertorié, vous êtes dénoncé par les statistiques pour votre consommation de bœuf : une petite vingtaine de kilos par an. C’est beaucoup moins que celle de vos parents et grands-parents, qui en outre picolaient davantage : 257 litres de pinard dans les années 60’, alors que vous ne sirotez que 86 litres de vins fins selon cette étude - 59 litres selon la police de l’Insee, soit tout juste un bon verre par jour. Presque l’ascèse, mais c’est encore trop, paraît-il. Bien moins toutefois que les Danois, qui sont à la fois les plus pochtrons d’Europe et les plus gros bouffeurs de barbaque (149 kg par an). C’est sans doute l’atavisme de leurs ancêtres Viking, qui envahirent la Normandie pour bâfrer ses vaches et siphonner son calva. Mais revenons au sujet. Dans votre ration carnée, connaissez-vous la proportion de bovéquin, ainsi nommé l’hybride de charolais et de cheval de trait, qui n’existe pas dans la nature mais prolifère dans les frigos des négociants hollandais ? Tout dépend, en fait, de votre appétence pour le steak haché et les plats cuisinés industriels, qui ont semble-t-il massivement recours à ce minerai animalier. Selon la déclaration récente de l’organisme de contrôle sanitaire des Pays-Bas, il y aurait encore 50.000 tonnes de bovéquin qui se baladent dans la nature européenne. C’est-à-dire probablement beaucoup plus, les services de contrôle ayant à cœur de ne pas affoler le pékin.

Pas étonnant que s’installe un climat de suspicion généralisée : on ne peut plus faire confiance aux étiquettes. Ni aux allégations péremptoires, ni aux engagements croix de feu croix de fer, si je mens je vais en enfer. Voyez par exemple sur la route : ce n’est pas parce que le véhicule qui vous précède a signalé son intention de tourner à gauche qu’il ne va pas soudainement virer à droite. Remarquez, c’est quand même moins périlleux que le contraire. Si bien que le nuage de défiance se propage jusqu’aux personnages publics. Au point que lorsque l’un d’entre eux, labellisé 100% mouton noir, confesse ses péchés et exprime sa contrition, ses aveux deviennent aussitôt suspects de dissimuler de nouvelles menteries. Mais il est vrai que dans les 50.000 mots que produit chaque semaine le responsable politique moyen, il devient de plus en plus difficile de dénicher une once de pure sincérité. Aussi difficile que de dégotter un chouïa de bœuf dans les lasagnes. Mais dans le négoce du discours politique, on ne peut pas incriminer les grossistes hollandais. Ceux qui habitent aux Pays-Bas, à tout le moins.

La recette du jour

La vérité par omission

Vous êtes industriel dans l’agroalimentaire et consterné par le dédain du consommateur à l’égard de vos plats cuisinés. Lesquels contiennent quantité de cochonneries, certes, mais pas une once de cheval roumain. Il vous faut réagir. Changez les étiquettes de vos barquettes et inventez le concept de « composition-surprise ». Vous ne serez pas obligé de mentir et les clients apprécieront votre sincérité rouée.


Jean-Jacques Jugie