Le cirque sans pain


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25 avril 2013

Rome détient sans doute le plus ancien brevet de gouvernement de la terre. Celui que Juvénal avait résumé par son célèbre Panem et circences – le pain et les jeux du cirque. Lorsque l’Empire entama sa déliquescence, les spectacles sportifs et autres combats de gladiateurs occupaient largement plus de la moitié de l’année. Beaucoup plus que le foot contemporain, où la mise à mort ne se pratique que de façon métaphorique, par médias interposés. En revanche, Rome a conservé la tradition du cirque permanent dans son arène politique. Les grandes familles, dont certaines sulfureuses, y font combattre leurs champions à la musculature frêle, mais à la rouerie surdimensionnée. Contrairement aux gladiateurs de la Rome antique, dont la carrière était éphémère, le gladiateur politique de la Rome moderne prend de la valeur avec l’âge. Il s’améliore en vieillissant, comme les grands crus toscans. Au risque d’être toujours en service après sa date de péremption : si bien que la plèbe finit par se plaindre de la piètre qualité du spectacle dans le cirque de la vie publique. Les circenses des temps présents risquent ainsi de ne plus suffire à garantir la paix sociale des Italiques.

D’autant qu’il faut aussi du pain pour calmer les esprits et les estomacs. Longtemps la Péninsule a vécu dans le confort grâce à ses richesses naturelles, à l’industrie et l’ingéniosité de ses habitants – notamment dans l’art d’esquiver les impôts. De quoi assurer la dolce vita sur le crédit de l’Etat et la dévaluation du sesterce – deux options désormais inaccessibles. Il en résulte que l’Italien moyen se trouve aujourd’hui confronté à l’impécuniosité. L’un ses signaux les plus inquiétants émane des boulangeries : nombreuses d’entre elles ont déjà fermé, faute de clients. Et les survivantes de Rome viennent d’inventer un nouveau concept : la vente du pain de la veille à moitié prix, afin de satisfaire une clientèle de plus en plus désargentée. Au rythme d’évolution de la chienlit italienne, on ne serait pas étonné de voir s’y développer un marché parallèle du pain dur. Voire un trafic de spaghetti à la farine de cheval roumain.

La recette du jour

Réserves de pudding

Vous cherchez à vous protéger de probables pénuries alimentaires. Instituez un ramassage du pain rassis, dont les Français continuent d’encombrer leur poubelles. Et stockez le gras de rognon, que les abattoirs soldent aux industriels de la lasagne. Fabriquez alors des puddings anglais : ils sont immangeables mais se conservent aussi longtemps que les politiciens italiens.


Jean-Jacques Jugie