Quelle est cette « nouvelle » redevance sur les déchets dénoncée par Éric Ciotti ?


Politique


9 août 2024

Décryptage d’une polémique sur la redevance spéciale pour entreprises sur les ordures ménagères

Dans un courrier adressé au président de la métropole Nice Côte d’Azur, Christian Estrosi, le député Éric Ciotti «  demande solennellement de suspendre  » une «  nouvelle redevance spéciale sur les ordures ménagères » qui, selon lui, « représente une charge considérable pour le tissu économique de notre territoire et pourrait accentuer les effets d’une pression fiscale maximale pour les entreprises ».

Cette redevance spéciale n’est pas nouvelle - Éric Ciotti précise d’ailleurs dans son courrier qu’elle est déjà effective - mais elle n’était pas suffisamment collectée dans la métropole selon un rapport de la chambre régionale des comptes Provence-Alpes-Côte d’Azur de janvier 2022. « Outre la TEOM (taxe d’enlèvement des ordures ménagères), la métropole de Nice a instauré une redevance spéciale, destinée à financer spécifiquement la collecte et le traitement des déchets non-ménagers, avec pour objectif d’entraîner leur diminution. En 2020, un peu plus d’1 % des 50 000 entreprises qui produisaient des déchets sur le territoire métropolitain était concerné par ce dispositif. Les recettes collectées via ce vecteur demeurent encore trop limitées pour financer une part significative du coût lié à la prise en charge des seuls déchets non-ménagers », analysait la chambre régionale des comptes dans la synthèse de son rapport.

« Augmenter les recettes »

Elle ajoutait que « la TEOM, dénuée de lien entre la quantité produite et la contribution acquittée par le producteur, finance donc, pour l’heure, l’essentiel des dépenses d’élimination des déchets des professionnels recourant au service public. La métropole de Nice devra donc se doter des moyens permettant d’accroître le nombre d’entreprises soumises à la redevance spéciale afin d’augmenter les recettes perçues et de permettre une diminution des quantités de déchets produites par les professionnels ».
Le courrier d’Éric Ciotti est daté du 6 août, jour où le quotidien régional Nice-Matin a publié un article sur ce sujet dans lequel un commerçant confie notamment que « cette redevance spéciale est la goutte d’eau qui fait déborder le vase ». Cité dans l’article, Pierre-Paul Leonelli, vice-président de la métropole délégué à la Collecte, à la Valorisation des déchets et à la Propreté, répond qu’il s’agit « d’une obligation légale et qu’on aurait dû l’appliquer depuis plusieurs années ». Selon le ministère de l’Économie et des Finances, « les communes peuvent mettre en place une redevance spéciale afin de financer la collecte et le traitement des déchets. Elles sont tenues de le faire lorsque ni la TEOM ni la REOM (redevance d’enlèvement d’ordures ménagères) ont été instituées ».

« Pas de cumul »

M. Leonelli a ensuite complété ses propos publiés dans Nice-Matin sur le réseau social X en rappelant quelques points : « la redevance spéciale (principe du « pollueur-payeur ») est obligatoire depuis le 1er janvier 1993 en France  », elle est « appliquée au sein de la métropole NCA depuis juin 2013 ; suite à une demande de la chambre régionale des comptes ; avec 1 015 assujettis à ce jour  ».
Si cette redevance n’est pas nouvelle, Éric Ciotti a toutefois raison quand il dit qu’elle représente un coût supplémentaire pour les entreprises qui ne la payaient pas jusqu’ici. Mais elles auraient sans doute dû être concernées plus tôt à en croire la chambre régionale des comptes. Il n’est pas inutile de rappeler que selon la loi, toute entreprise qui produit ou détient des déchets est responsable de leur gestion. Dans un post sur LinkedIn à visée pédagogique et destiné à mettre un terme à la polémique, Philippe Pradal, 5e vice-président de la métropole Nice Côte d’Azur, souligne que « la redevance spéciale est avant tout une mesure d’équité puisqu’elle vise à constater, par une tarification différente, qu’un ménage produit habituellement moins de déchets qu’un professionnel. Même si de nombreuses entreprises mènent des politiques ambitieuses, qu’il convient de saluer, pour réduire leur production de déchets cette observation reste globalement vraie  ». L’ancien député ajoute que « les entreprises peuvent faire le choix de recourir à des prestataires privés au lieu de payer la redevance spéciale » et qu’il n’existe «  pas de cumul de la TEOM (payée par tous) et la redevance spéciale puisque les entreprises et commerces payent l’une ou l’autre ». «  Si la redevance spéciale est inférieure à la TEOM, seul le montant de la TEOM sera payé  », a-t-il précisé sur un autre réseau social, X. Les professionnels paieront moins cher (objectif économique) s’ils arrivent à réduire leurs déchets (objectif écologique), notamment en évitant les produits à usage unique et en limitant les emballages.


Sébastien Guiné