L’inconstance de la conjoncture


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16 mai 2013

« Souvent femme varie » avait noté François 1er dans l’un de ses moments d’inspiration poétique. Le François de la Renaissance, s’entend. Encore que l’environnement politique fût à l’époque assez voisin du nôtre : la France était déjà prise en sandwich entre la Maison d’Angleterre et l’Empire germanique, chacun étant alternativement allié du roi François pour combattre l’autre. Avec la pression constante des puissants Ottomans, qui cassaient les pieds à tout le monde. Finalement, l’Histoire repasse les plats. A ceci près que les monarques modernes n’ont ni le talent, ni le loisir de versifier sur l’inconstance féminine. La grande politique ne consiste plus à conquérir des territoires par les armes, ou par le mariage de ses filles aux rejetons des adversaires. La puissance d’aujourd’hui, c’est l’économie.

Mais voilà que souvent, conjoncture varie. Au moins dans notre pays. On croyait naïvement que le rythme de l’activité était celui d’un paquebot, qui met du temps à ralentir mais aussi à prendre de la vitesse. Pour preuve, les statistiques sont venues confirmer le mol allant du navire France : la récession de l’année dernière s’est poursuivie au premier trimestre. Ce qui a aiguisé le sens de l’observation du Chef de l’Etat : « La situation économique est grave, rien ne sert de la minimiser  » aurait-il déclaré hier matin lors du Conseil des ministres. Mais dès l’après-midi, devant la Commission de Bruxelles réunie au grand complet, le même affirmait que « nous avons passé le moment le plus difficile ». Le matin, le malade était comateux ; l’après-midi, il entamait sa convalescence. Par la seule force du verbe, la voie de la rédemption était ouverte. Ce n’est plus de la politique, mais de la magie. Nul doute que les observateurs ironiques ne manqueront pas de transposer ainsi les vers du monarque de la Renaissance : Souvent François varie ; bien fol est qui s’y fie.

La recette du jour

Agenda du manager

Vous dirigez une entreprise que les mauvaises affaires menacent de faillite. Au petit-déjeuner, avisez vos salariés que la situation est grave. Informez-les qu’ils devront travailler davantage pour des salaires moindres. Après le déjeuner, rassurez vos banquiers et jurez-leur que le cap de la tempête est passé. Au dîner, savourez les succès de la magie du verbe. Après souper, priez pour que ça dure.


Jean-Jacques Jugie