Les éoliennes vont-elles passer à la trappe ?


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14 avril 2010

Alors que l’Assemblée nationale s’apprête à légiférer sur les conditions d’implantation des éoliennes en France, l’inquiétude croît chez les professionnels. Ils craignent la mise en place de mesures restrictives. En jeu, d’après eux : 60 000 emplois.

Taxe carbone qui fait « pschiit », fondation Nicolas Hulot qui claque la porte du Grenelle de l’environnement… Depuis qu’au début du mois de mars , au Salon de l’agriculture, Nicolas Sarkoy a déclaré que les questions d’environnement « ça commence à bien faire », l’écologie n’a pas le vent en poupe. Et Jean Louis Borloo a beau multiplier les interventions dans la presse, la tension monte, à quelques jours de l’examen du texte de la loi Grenelle II par l’Assemblée nationale, qui se déroulera à partir du 4 mai prochain. La loi doit fixer les modalités d’applications du Grenelle de l’environnement, notamment pour les éoliennes.

Les amendements qui inquiètent

Et c’est là, en particulier, que le bât blesse. En effet, plusieurs amendements inquiètent les partisans de l’éolien. Ces amendements sont issus d’un rapport de la mission de l’Assemblée nationale présidée par le député Patrick Ollier (UMP), paru le 30 mars dernier, qui émet cinq recommandations, parmi lesquelles la mise en place d’ici fin 2011 de "schémas régionaux de l’éolien", avec pour chaque zone de développement de l’éolien (ZDE), une puissance installée d’au moins 15 mégawatts et cinq mâts. Les députés entendent lutter contre la dissémination anarchique des éoliennes sur le territoire. Pour ce, ils souhaitent également appliquer aux éoliennes le régime des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE). Une procédure qui aboutirait à complexifier et rallonger les procédures d’autorisation en soumettant les éoliennes aux mêmes autorisations qu’un site industriel dangereux. Bref, des mesures plutôt contraignantes. C’est du moins, rapporte l’AFP, ce qu’a considéré le co-rapporteur du rapport, Philippe Plisson (PS,Gironde), qui a fini par démissionner, dénonçant des conclusions à « connotation anti-éolienne ».

Angoisses professionnelles

Le rapport est carrément un « fossoyeur d’éoliennes », pour Nicolas WoIff, vice-président du syndicat des énergies renouvelables (Ser). C’est peu dire que les représentants du secteur sont inquiets. Ils étaient réunis avec un représentant de l’Ademe, l’Agence de l’environnement et de la maitrise de l’énergie, et une représentante du ministère de l’Ecologie, pour une conférence de presse, le 31 mars , à Paris.

« Pour rejoindre l’objectif du Grenelle, il y a 6 000 éoliennes à installer. Cela ne va pas défigurer le paysage. Cette question doit être traitée avec sérénité. Rajouter des couches de règlementation de plus en plus bloquantes tous les deux ans, cela n’est pas une solution » peste André Antolini, président du Ser. De plus, soutient Jean-Louis Bal, directeur des productions et énergies durables à l’Ademe, « d’après nos études, la perception des populations autour des parcs d’éoliennes est positive ». Nicolas Wolff, lui, s’inquiète tout particulièrement de voir les procédures d’autorisation des parcs d’éoliennes s’aligner sur celles des site industriels dangereux, et de la fixation d’une taille minimale de 15 Mw pour un parc. « On se priverait de la possibilité de faire de petits parcs » juge-t -il. De plus, « du point de vue du paysage, c’est une mesure baroque » estime André Antolini, pour qui ces mesures semblent plutôt « destinées à empêcher la filière de se développer, qu’à l’organiser ».

Un embryon de filière

C’est précisément à l’organisation de cette filière qu’explique œuvrer le Ser. Avec un crédo : c’est par la conversion d’entreprises existantes ( dans l’industrie aéronautique, navale…) qu’elle va se constituer. Pour ce faire, l’association des professionnels a mis en place un plan avec Capgemini Consulting, société de conseil, visant à rallier ces sociétés. En prenant les différents composants d’une éolienne, (arbre principal, mât, pales, etc) , les consultants ont constitué des cahiers des charges simplifiés, et sont partis, avec l’aide des Chambres de commerce, explorer le tissu industriel français, pour comprendre qui serait en mesure de répondre. Qui, par exemple, est capable d’usiner une pièce de fonderie qui pèse jusqu’à 10 tonnes, pour réaliser un arbre principal ? Les réponses ont afflué, d’après les consultants, signe d’un intérêt manifeste d’entreprises de toutes tailles, qui rencontrent par ailleurs des difficultés dans leur propre secteur. Soixante de ces entreprises ont été réunies par le Ser, pour une journée de travail. « Il faudra arriver à travailler entre concurrents traditionnels pour trouver des réponses communes » explique un consultant de Capgemini. « Nous avons créé une place forme collaborative qui regroupe les entreprises » ajoute Nicolas WoIff. Un outil destiné à échanger des informations, servir de base à la prise de rendez vous d’affaires, par exemple pour rencontrer de grands fournisseurs, mais aussi pour accompagner les plus petites entreprises dans une démarche de certification et de référentiel, nécessaires à l’export.

Un souffle en or ?


Pour les consultants de la société de conseil, en effet, « l’éolien est un marché très dynamique, qui croit de 25% par an au niveau mondial. En France, on pense beaucoup au marché domestique. Pour nous, il faut prendre place sur le marché des grands composants éoliens mondiaux et viser le grand export. Sept sur dix grands turbiniers mondiaux sont européens. Mais la concurrence avec l’Asie, notamment, s’accentue. Les Danois, les Allemands ont des besoins. Ils attendent l’industrie française, notamment en termes de recherche et développement, et ils veulent diversifier leurs sources d’approvisionnement. Ils ont besoin de partenaires sur les grands composants ». A la clé, toujours d’après eux : la filière pourrait pourtant générer jusqu’à 60 000 emplois ( territorialisés, puisqu’il faut entretenir les éoliennes ) d’ici 2020 - contre moins de 10 000 aujourd’hui.