Robert Doisneau : La (...)

Robert Doisneau : La poésie du quotidien

Avec l’exposition consacrée à Robert Doisneau, le Musée de la Photographie Charles-Nègre de Nice nous reporte vers des années que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître, et les générations un peu plus anciennes non plus... Il faut d’abord surmonter un a priori, celui des clichés vus et re-vus, beaucoup étant devenus célèbres et même iconiques, comme le fameux « Baiser de l’Hôtel de Ville » qui a fait le tour du monde et symbolise Paris et son art de vivre.

Nombreux furent édités en livres, cartes postales. Commande pour des reportages de magazines ou travail personnel de l’artiste, ils constituent le
Panthéon imaginaire d’une époque révolue. Dans l’objectif de Doisneau, les policiers portent encore des capelines qui les font ressembler à des hirondelles et les gamins à béret jouent sans surveillance dans les rues.
On mesure combien de l’eau a depuis coulé sous le pont Mirabeau...
Cependant, on ne se lasse jamais des photos de ce maître du noir et blanc, qui offre avec drôlerie et poésie une vision de la vie d’un réalisme optimiste. Outre leur intérêt artistique, elles permettent de comparer notre époque à celle que l’œil aiguisé de Doisneau a saisi, immortalisé. Le contexte n’est plus le même, le décor urbain s’est rafraichi, la mode et les comportements ont changé.

Drôle et tendre

©Robert Doisneau

En humaniste, il capte des scènes de rue cocasses, charmantes, avec leur lot d’amoureux s’embrassant, d’enfants espiègles, de personnages atypiques. Le cadrage, la discipline qu’il s’imposait explique ces rendus qui touchent directement le cœur.
Robert Doisneau est connu et apprécié aux États-Unis avant même d’y avoir mis les pieds. Ses photos sont entrées très tôt au musée. En 1948, déjà, il expose avec Brassaï, Ronis, Izis, à la Galerie Photoleague sous le titre « French Photographer’s today ». Outre-Atlantique ses tirages encore en black and white sont déjà perçus comme des œuvres d’art.
À Nice, on verra également des montages et collages moins connus, et des photos... en couleur, ce qui est assez inattendu. Car c’est seulement en 1960, époque reine du technicolor au cinéma, que le photographe ethnographique traversera l’Atlantique pour saisir sur des pellicules couleurs l’univers des riches retraités autour des golfs et des piscines à Palm Spring. Bouées cygnes, véhicules de luxe, tons flashy, robes pastel... Pour le magazine américain
Fortune, il réalise un portrait kitsch et esthétique d’une planète artificielle créée pour de grands enfants, aux couleurs surfaites, sortie de la terre stérile du Colorado.

Des clichés dont l’intérêt dépasse largement le reportage et que l’on regarde aujourd’hui avec intérêt et amusement, comme l’aurait aimé Doisneau.

Marie LESIMPLE

Photo de Une (détail ©Robert Doisneau)

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