Le conte des bons comptes

Le conte des bons comptes

Litotes, non-dits et petits mensonges entre amis pour la bonne cause : la communication est un art subtil qui permet, parfois, de faire passer des vessies pour des lanternes. Ou, si vous préférez, de présenter un verre de purgatif comme un honnête rosé de Provence. Par exemple, lorsque
Thomas Cazenave, ministre délégué aux Comptes publics, affirme que le plan d’économie de 10 milliards « c’est l’État qui les prend sur ses épaules » et que «  tous les ministères sont concernés », il oublie de préciser que ce sont autant de fonds pour les politiques publiques et d’aides diverses qui ne seront pas distribuées, de services qui ne seront pas rendus, de besoins qui attendront. Alors, oui, « baisser les dépenses de fonctionnement de l’État, faire 750 millions d’euros d’économies sur nos achats, réduire les surfaces de bureaux de près de 25 % d’ici 2030 » va si bien dans le bon sens que l’on se demande pourquoi l’on n’y avait pas pensé plus tôt, dans ce pays ayant accumulé plus de 3 000 milliards de dettes…
Ces annonces d’économies forcées ne feront certes pas plaisir à ceux qui en seront les « victimes », mais il est à craindre que pour redresser la barre, il faille encore aller plus loin, plus haut et plus fort comme aurait pu dire le baron de Coubertin. Pourquoi ? Parce que les rentrées fiscales sont moins élevées qu’espérées. Il n’y a d’autre choix que de tailler dans les dépenses, d’où ce « décret d’annulation des crédits » qui révise un budget voté il y a deux mois seulement et dans la douleur. Voilà ce qui arrive lorsque l’on se veut trop optimiste en pariant, malgré les avertissements, sur une croissance qui finalement n’est pas au rendez-vous.
La rénovation énergétique, pourtant grande priorité nationale, en fait les frais. De même que la masse salariale des fonctionnaires d’État qui va être rabotée avec la non embauche de 6 700 agents dont le recrutement était prévu en 2024 : cela économisera 700 millions selon Bercy. Le compte personnel de formation sera lui aussi amputé, tandis que les « fonds verts », destinés à soutenir les collectivités dans leurs projets de transition écologique, vont passer dans le rouge.
Non seulement il n’est pas dit que nous en resterons là des petits sacrifices à consentir pour éviter une dégradation de la note de la France par les agences, mais une deuxième vague d’économies est attendue dans les prochains mois.
Elle pourrait toucher, cette fois, la sécurité sociale, et pourquoi pas les retraités, dont les pensions sont indexées sur l’inflation, ce qui maintenant apparaît comme un vrai privilège...


Comme avant eux les Poilus, les Ukrainiens vont vivre leur troisième année dans les tranchées pour contenir la poussée russe. Il est triste de constater qu’un siècle après la « grande » guerre, l’humanité en soit toujours au même point, mais cette fois avec des armes encore plus puissantes et meurtrières. Vladimir Poutine joue sur la durée. Elle fragmente la solidarité autour de l’Ukraine, elle asphyxie à petit feu l’armée de Kiev qui lutte à armes inégales et avec des effectifs moindres. Le courage des soldats de Volodymyr Zelensky force l’admiration. La détermination aveugle et absolue du nouveau tsar de Moscou, pas ouvert à la négociation c’est le moins que l’on puisse dire, provoque la crainte de lendemains encore plus terribles.
L’Europe n’a d’autre choix que de se préparer au pire pour espérer l’éviter.

J.-M. CHEVALIER

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