Musique : l'appréciation

Musique : l’appréciation de la contrefaçon

  • le 26 octobre 2010

On comprend facilement ce qui constitue le fait de contrefaçon en matière d’écrits, d’images mais comment l’apprécier s’agissant de musique ? La création musicale s’inspire parfois de mélodies déjà entendues. Des émissions de radio très suivies s’en amusent. Entre « inspiration » et « contrefaçon », comment faire la différence ?

La protection des œuvres musicales

Les compositions musicales sont protégées par l’article L112-2 du Code de la propriété intellectuelle contre tout acte de reproduction ou de représentation effectué sans l’autorisation de son titulaire. Cette atteinte constitue le délit de contrefaçon, sanctionné à l’article L335-2 du même code par trois ans d’emprisonnement et 300 000 euros d’amende. De tels actes peuvent également donner lieu à des demandes de dommages et intérêts sur le plan civil de la part de celui qui s’estime lésé par une telle contrefaçon.

L’œuvre musicale se compose de la mélodie, définie comme « l’émission d’un nombre indéterminé de sons successifs », plus communément appelée « l’air ». La reprise, même partielle ou brève, d’une mélodie, constitue un acte de contrefaçon ; peu importe le nombre de notes reprises dans la composition litigieuse. La jurisprudence a ainsi retenu la contrefaçon « malgré la brièveté du fragment musical ainsi reproduit », en considérant que « la mélodie [était] clairement reconnaissable » .

L’œuvre musicale est également composée de l’harmonie, considérée comme « le résultat de l’émission simultanée de plusieurs sons différents, d’accords ». Il s’agit d’un ensemble de sons soutenant la mélodie afin de l’enrichir et de lui conférer une « couleur » particulière.

L’harmonie n’est pas, en tant que telle, protégée, mais intervient dans la caractérisation d’un ensemble musical cohérent et original. La ressemblance de structures harmoniques ne suffit pas à caractériser une contrefaçon .

Enfin, l’œuvre musicale fait intervenir le rythme défini comme « la sensation déterminée par les rapports de durée relative, soit de différents sons consécutifs, soit de diverses répercutions ou répétitions d’un même son ou d’un même bruit ». Là encore, faute d’originalité, la simple reprise du rythme d’une œuvre, même similaire, n’est pas suffisante pour constituer un acte de contrefaçon ( décision relative à la reprise d’un rythme caractéristique du folklore antillais).

En définitive, la contrefaçon de l’œuvre s’apprécie en fonction de l’existence d’une similitude dans les éléments caractérisant cette œuvre, et lui conférant son originalité. Selon la jurisprudence, il y a contrefaçon lorsque « l’analyse verticale, c’est-à-dire harmonique, et l’analyse horizontale, c’est-à-dire mélodique et rythmique » présentent de nombreuses similitudes .

La comparaison des oeuvres

L’appréciation de la similitude des œuvres en présence est confiée au juge saisi du litige, auquel il appartient d’apprécier in concreto les ressemblances. Pour cela, il peut s’appuyer sur les différents éléments composant l’œuvre musicale : accords, notes, lignes mélodiques ou harmoniques, cadences, tonalités, tempos. L’écoute attentive des œuvres concernées est souvent confié à un expert, qui relève alors ou non certaines similitudes sur les plan rythmique, harmonique et mélodique.

Une décision judiciaire

Les griefs portés sur le terrain de la contrefaçon peuvent faire l’objet, d’une action pénale par le biais d’une plainte susceptible de donner lieu à la condamnation pénale sur le fondement de l’article L335-2 du Code de la propriété intellectuelle de l’auteur de la contrefaçon. Soit, sur le plan civil, devant le Tribunal de grande instance compétent, auquel il sera demandé d’apprécier les ressemblances entre les œuvres en présence et, le cas échéant, d’allouer à l’auteur, des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait des actes de contrefaçon. Il s’agit en tout état de cause d’une procédure qui reste soumise à l’appréciation factuelle des juges du fond.

1 -Conseil d’Etat 05/05/1939. Dalloz 1939, 3, jurisprudence p.63 , note PL ou les actes du palais 30/05/1939, 2 p. 231 et Tribunal d’instance de Nivelles 21/02/1997 RIDA 3/1997, p. 266
2 - Cour d’appel de Paris, 21/02/1996, RIDA3/1996 p.231

3 -Cour d’appel de Paris, 1ère Ch. 25/04/1972, RIDA 3/1972 p. 222
4 - Cour d’Appel de Paris, 4ème Ch. 19/11/1985

Par Blandine POIDEVIN, avocat, chargée d’enseignement à l’Université de Lille II

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