Associations et financeme

Associations et financements publics : attention aux risques juridiques ! (1/3)

Droit - Associations

De nombreuses associations ou organismes sans but lucratif (fondations... etc) bénéficient d’un financement public plus ou moins important. Le bénéfice de ces deniers publics entraîne cependant différentes contraintes et suscite des risques juridiques, parfois graves pour les associations, leurs dirigeants et les élus locaux.

Le cas de l’ « association transparente ».

Cette première hypothèse devient rare. Elle concerne les associations très proches d’une collectivité locale, au point qu’on les qualifie d’« associations transparentes ». Il s’agit d’associations exerçant des missions relevant de la collectivité locale, financées de manière prépondérante par la collectivité, et contrôlées par cette dernière au regard des statuts et/ou de la composition des organes de l’association. Souvent, elles ont été créées à l’initiative de la collectivité, dans le but de rendre autonome un service de la commune et/ou de bénéficier de modalités de gestion plus souples que celles imposées aux collectivités locales.
Mais dites « transparentes », les juges les considèrent comme un démembrement fictif de la collectivité publique et leur appliquent un régime de droit public (respect du Code des marchés publics pour tous les achats, règles de comptabilité publique pour le maniement des fonds, etc…).

Les conséquences juridiques et financières sont donc extrêmement lourdes puisque, les dirigeants de l’association, mais aussi certains élus ou agents de la collectivité, encourent des sanctions pénales pouvant entraîner l’inéligibilité de l’élu. Ils peuvent également être déclarés « comptables de fait » des deniers publics, s’ils collectent des fonds destinés à la collectivité, et risquent alors des amendes égales au montant des sommes irrégulièrement maniées.

L’obligation de conclure une convention d’objectifs et de moyens.

Les associations et les collectivités doivent conclure préalablement une convention d’objectifs et de moyens dès lors que le montant de la subvention accordée par la collectivité excède 23 000 euros par an (loi du 12 avril 2000). Ces conventions doivent, a minima, préciser le montant de la subvention et ses conditions d’utilisation. Même lorsque la subvention accordée par la collectivité est inférieure à ce montant, il est vivement conseillé de recourir à la conclusion d’une convention, parfois pluriannuelle, qui permet de mieux sécuriser la commune et l’association. Ces conventions doivent être scrupuleusement respectées car tout écart avec les conditions d’attribution convenues expose l’association à un risque de remboursement.

Le risque de requalification de la subvention.

Il est important pour l’association de s’assurer que les sommes qu’elle reçoit de la part des collectivités publiques constituent bien des « subventions » au sens juridique. La loi Economie sociale et solidaire du 31 juillet 2014 est venue définir la subvention. Au-delà de cette définition, la subvention ne doit en aucun cas apparaître comme correspondant au prix d’une prestation de service ou ayant un lien direct avec une prestation individualisée. Dans un tel cas, la subvention serait requalifiée et considérée comme le prix d’un marché public de service ou d’une délégation de service public (DSP). Ce contrat ayant été conclu sans respecter les règles de mise en concurrence imposées par le Code des marchés publics ou la loi Sapin, les faits seraient constitutifs d’un délit pénal. De surcroît, sur le plan fiscal, les sommes pourraient être rétroactivement soumises à TVA. Ont été requalifiées en marché public ou en DSP, par exemple, la subvention pluriannuelle versée à une association chargée d’organiser un festival de musique annuel, ou encore concernant une association subventionnée pour se charger d’un service de crèches municipales…
Ce risque de requalification n’est pas rare. Il peut en effet se manifester à l’occasion d’un recours par l’opposition municipale, par le Préfet à l’occasion de son contrôle de légalité, par des concurrents ou des citoyens.

La qualification ignorée de « pouvoir adjudicateur ».

Un autre risque, fréquent et pourtant largement ignoré, peut découler du bénéfice d’une subvention publique. En effet, beaucoup d’associations constituent un « pouvoir adjudicateur » mais l’ignorent. Un « pouvoir adjudicateur » est une personne publique ou privée soumise à des règles de mise en concurrence pour la réalisation de ses achats. S’agissant d’une association, les règles applicables ne seront pas celles du Code des marchés publics mais celles, très proches, d’une ordonnance du 6 juin 2005 et son décret du 30 décembre 2005. Ainsi, les associations considérées comme des pouvoirs adjudicateurs devront mettre en place des procédures d’achats comparables à celles du Code des marchés publics (procédures d’appels d’offres extrêmement réglementées et encadrées…).

De nombreuses associations sont concernées sans le savoir. Le cas le plus fréquent vise celles créées pour satisfaire des besoins d’intérêt général particuliers et placées sous le contrôle d’une ou plusieurs collectivités locales. Cette notion de contrôle est remplie dès que les collectivités financent majoritairement l’association, ou dès que l’organe d’administration, de direction ou de surveillance est composé de membres dont plus de la moitié sont désignés par les collectivités. Ou encore, lorsque ces dernières contrôlent la gestion de l’association. Le cas est donc fréquent.

Toute association qui répond à ces critères et qui ne respecte pas les règles extrêmement rigoureuses d’achats publics est passible de sanctions pénales lourdes (délit de favoritisme). Les sanctions sont encourues aussi bien par les dirigeants de l’association, ou ceux qui bénéficient d’une délégation de pouvoirs, que par l’association elle-même, pour laquelle les peines encourues sont quintuplées. Au moindre doute, un diagnostic juridique s’impose.

Le risque lié aux « aides d’Etat ».

Si l’association intervient dans un secteur concurrentiel, elle doit s’interroger sur le risque éventuel de qualification de la subvention en « aide d’Etat ». L’octroi d’aides d’Etat est en effet encadré de manière très stricte par les règles de droit français et par celles de l’Union Européenne. Bien des associations croient que leur statut associatif les prémunit contre de tels risques, en pensant, à tort, que seules les sociétés commerciales sont concernées par la législation sur la concurrence et les aides d’Etat. L’une des sanctions consiste à devoir rembourser intégralement toutes les aides reçues de manière irrégulière.

Cette rapide énumération des risques juridiques encourus par les associations au regard des règles de droit public est loin d’être exhaustive.

Elle s’ajoute, en outre, à tous les autres auxquels elles peuvent s’exposer, liés au droit du travail, à la loi de 1901 sur les associations, aux règles fiscales, à la responsabilité civile et pénale en cas d’accident…
Même les intervenants bénévoles ne sont pas récompensés de leur dévouement puisque la gratuité de leur engagement ne les prémunit en aucun cas contre les risques juridiques précités.

(A Suivre : Associations, bien identifier les risques liés aux contraintes du droit social)

Par Paul-Guillaume BALÄY et Charlotte HERMARY, avocats, département droit public

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