Audience de rentrée (...)

Audience de rentrée 2019 : Discours de Jean-Marcel GIULIANI Président du Tribunal de Commerce de Nice

Les juges consulaires du Tribunal de Commerce de Nice, entourant leur président Jean-Marcel Giuliani, abordent la nouvelle année judiciaire avec énergie. La juridiction a tenu ce matin son audience de rentrée, qui a constaté une belle activité économique sur le ressort niçois.
Nous vous proposons ci-dessous le discours prononcé par le Président du Tribunal de Commerce. Nous rendrons compte en détail de cette audience de rentrée sur notre édition print de ce jeudi.

Discours de rentrée lundi 21 janvier 2019

Monsieur le Préfet,
Monsieur le Maire de Nice,
Monsieur le Maire de Menton,
Monsieur le Président de la Métropole Nice Côte d’Azur,
Monsieur le Président du Conseil Départemental,
Monsieur le Premier Président,
Monsieur le Procureur Général,
Monsieur le Président du Tribunal de Grande Instance,
Monsieur le Procureur de la République,
Monsieur le Président du Tribunal de Commerce d’Antibes,
Monsieur le Président du Tribunal de Commerce de Cannes,
Madame la Présidente du Tribunal de Commerce de Grasse,
Mesdames et Messieurs les hautes autorités, Mesdames et Messieurs.

INTRODUCTION :

Je vous remercie de votre présence qui nous honore.

Je voudrais à l’occasion de cette audience de rentrée solennelle, dresser le bilan d’une deuxième année de mandat, rappeler les défis auxquels les juges de ce Tribunal doivent faire face et évoquer nos ambitions et nos projets pour Nice.

J’ai souhaité pour la deuxième année inviter les Présidents d’Honneur qui m’ont précédé dans ce fauteuil et je veux leur dire combien leur présence est un réconfort pour notre institution et un signe de solidarité et de soutien.

Sont présents :

(Roger TRIVERIO – Gérard CIGNETTI – Raymond LASSALLE – Fabien PAUL – Christian TUDES)

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Nous avons le plaisir d’accueillir cette année l’arrivée de huit nouveaux magistrats, comme l’an dernier, qui représentent un renouvellement de 35% de notre effectif sur deux ans.

La parité n’est pas atteinte mais avec 25% de femmes nous faisons beaucoup mieux que de nombreux Tribunaux de Commerce en France.

Je remercie l’UPE 06 et son Président Philippe RENAUDI pour nous avoir apporté son aide dans le processus de recherche de candidats.

Deux années probatoires et de formation dispensées par l’Ecole Nationale de la Magistrature s’ouvrent à eux pour valider leur cursus et s’intégrer dans leur nouvelle fonction de magistrat consulaire.

Bénévoles, disponibles et engagés au service de la justice commerciale, indépendamment de vos activités professionnelles, vous allez rendre la justice « au nom du peuple français ». Cette haute responsabilité vous commande de respecter les valeurs fondamentales consacrées par la loi ainsi que les obligations déontologiques qui vous incombent.

Je vous souhaite la bienvenue dans notre Tribunal.

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L’audience solennelle est l’occasion de faire un exposé de l’activité de la juridiction durant l’année écoulée à la fois sur les chiffres comme vient de le faire Maître Bernard BAILET mais aussi sur nos actions.

- Le nombre total de décisions judiciaires rendues par notre Tribunal en 2018 est de 11.348 contre 12.484 en 2017 soit une baisse de 9%.

- Le nombre de jugements rendus en matière de contentieux général est de 634 contre 670 en 2017 soit une baisse de 5,37% avec un enrôlement des dossiers en baisse de 12%.

- Le nombre de jugements de procédures collectives (sauvegardes, redressements judiciaires, liquidations judiciaires) est de 564 contre 713 en 2017 soit une baisse très importante de 21%.

-  Le nombre d’ordonnances présidentielles (injonction de payer, ordonnances de référés et ordonnance du Président) est stable : 2.588 contre 2.575 en 2017.

Ces chiffres corroborent la tendance d’activité au niveau du département malgré les perturbations induites dans le dernier trimestre.

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Nos ambitions et nos projets se concentrent sur trois axes :

- La formation des juges,
- La prévention des difficultés des entreprises,
- Et les modes alternatifs de résolution des différends.

L’article L.722-17 du Code de Commerce et son décret d’application du 27 juillet 2018 imposent aux juges consulaires de suivre une formation initiale et une formation continue.
Tout juge d’un Tribunal de Commerce qui n’a pas satisfait à l’obligation de formation initiale dans les 20 mois de son élection est réputé démissionnaire. La formation initiale d’une durée de huit jours est organisée par l’Ecole Nationale de la Magistrature.
Ensuite, pour tous les juges, la durée de formation continue est de deux jours par année civile.
La formation au-delà des obligations légales est un gage d’indépendance et de qualité de nos jugements.
Nous nous sommes engagés à Nice depuis plusieurs années dans ce processus et cette année un juge est nommé délégué à la formation. Il est chargé de proposer, de suivre, de dynamiser et d’encourager la formation au sein de notre Tribunal.

Des formations au niveau National et Régional ont été suivies par les juges consulaires avec notamment « Présider une audience de contentieux général »,
« Les Référés commerciaux et ordonnances sur requête », « Le Juge Commissaire »
« Le Cautionnement »

Nous avons organisé cette année encore au Tribunal des mises à jour de connaissances sur les thèmes suivants :

- « La Procédure Générale devant le Tribunal de Commerce » animée Madame Le Professeure Natalie FRICERO ;
- « Comprendre le Bilan et les Zones à risque – Evaluation du Fonds de Commerce » animée par l’UCEJAM avec Yves BAILLEUX et Sophie MUTTER.

Une nouvelle action de formation est planifiée le 26 mars 2019 avec le Professeur Pierre-Michel LE CORRE.

Chère Présidente et chers Présidents des Tribunaux de Commerce, je profite de votre présence à cette audience, pour que nous réfléchissions ensemble sur l’élaboration d’une plateforme de mise à jour de nos connaissances et d’outils telle que mise en place par Jean-Claude LEMALLE ancien Président du Tribunal de Commerce de Cannes (que je remercie pour avoir pris sur son temps pour former nos juges commissaires).


La prévention et les modes alternatifs de résolution des différends (M.A.R.D.) sont la deuxième priorité de notre juridiction.

Les juges chargés de la prévention ont conduits tout au long de l’année des entretiens confidentiels avec les dirigeants d’entreprises qui se sont présentés spontanément ou qui ont été convoqués suite à des signes de difficultés financières (fonds propres négatifs, inscriptions de privilèges, non dépôt des comptes annuels, injonctions de payer répétées….).

Soit à la suite de ces entretiens, soit de leur propre initiative les chefs d’entreprises qui connaissaient de réelles difficultés ont sollicité l’ouverture de procédures de mandat ad hoc ou de conciliations prévues aux articles L. 611-3 à L 611-15 du Code de Commerce.

La procédure d’alerte que peut déclencher le commissaire aux comptes, s’il relève des faits de nature à compromettre la continuité d’exploitation, est un dispositif important qui nous a permis de sensibiliser le dirigeant en vue de l’inciter à remédier à des difficultés dont il ne parait pas avoir pris la mesure. Nous ne pouvons que regretter la réforme en cours sur le commissariat aux comptes qui va faire disparaitre de très nombreux mandats et indirectement affaiblir un signal d’alerte.

Nous allons jumeler pour la première fois la chambre de prévention et des M.A.R.D. sous l’égide d’un Président et de trois juges.
Cette nouvelle organisation doit permettre de détecter plus rapidement les signaux faibles pour mettre en place des solutions pour le dirigeant.

La résolution amiable des litiges doit devenir un préalable et un réflexe pour tous les acteurs.

Il est de principe que la justice s’exprime nécessairement par une sentence, lorsque la solution du litige requiert un acte d’autorité, voire de violence légale.
Mais dans certains cas, la décision imposée par la force du jugement n’est pas la meilleure manière de mettre fin au litige.
Les opérateurs économiques redoutent les procédures contentieuses en raison notamment des conséquences, souvent irréparables d’une procédure sur les relations d’affaires.
La méthode consistant à opposer deux thèses pour déterminer celle qui est juridiquement la plus fondée n’est pas toujours la meilleure, d’autant qu’elle laisse peu de place à l’interactivité et peut être éloignée des attentes de l’une et l’autre des parties.
Alors, émerge une conception moderne de la justice :
une justice qui observe,
qui comprend,
qui replace le litige dans son contexte économique et social,
qui permet,
qui incite,
qui facilite la négociation, la transaction, la conciliation des parties sur leurs droits,
une justice faite d’équilibre et de proportions,
une justice qui répartit les droits au plus près des intérêts de chacun, qui apaise, qui ménage les relations futures des parties, qui préserve le tissu social.

A Nice nous sélectionnons les dossiers susceptibles de faire l’objet d’une conciliation dans les chambres du contentieux général et nous invitons les parties à participer à la conciliation.

Nous avons sélectionné cette année plus de 120 affaires et sur les 80 entretiens réalisés 45% se sont soldés avec succès par un accord de conciliation.

Ce constat est prometteur mais il est essentiel de poursuivre notre action d’autant que d’autres acteurs ont compris cette nécessaire évolution.

Nous avons participé pas plus tard que jeudi dernier, sur invitation de Monsieur Christian ESTROSI, Maire de Nice et Président de la Métropole Nice Côte d’Azur au lancement de la plateforme de médiation des entreprises Nice Côte d’Azur, en présence de Monsieur Pierre PELOUZET, Médiateur des entreprises du Ministère de l’Economie et des Finances et de Monsieur Philippe PRADAL, Premier Adjoint à la Mairie de Nice.

La plateforme va permettre aux entreprises locales de régler efficacement les différends et de se concentrer sur la conquête de leurs nouveaux marchés, plutôt que sur le suivi de procédures judiciaires longues et couteuses.
La plateforme vise à informer les dirigeants sur les modes de résolution amiable des litiges mais aussi de les orienter en fonction du litige.

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Nous avons accueilli au Tribunal de Commerce le 29 mars 2018, Monsieur Jean LECOURIEUX-BORY pour l’exposition des œuvres photographiques avec pour thème « L’entrepreneur des difficultés au rebond »

Cette exposition nous a permis d’aborder deux sujets qui me tiennent à cœur :

- Le premier : Le retournement du dirigeant qui a connu un incident de parcours.

Le dirigeant de bonne foi doit pouvoir rebondir et nous devons faire évoluer notre culture judéo-chrétienne dont l’échec conduit à une mise à l’écart.

Le législateur a compris cette nécessaire évolution en faisant progresser sa législation en instaurant la procédure de sauvegarde, le rétablissement professionnel et la réduction de la durée des liquidations judiciaires.

Après la suppression du code 040 qui signalait que le dirigeant avait connu un dépôt de bilan au cours des trois dernières années, le décret du 1er octobre 2018 permet la mise en œuvre par la Banque de France de la suppression du code 050, attribué notamment au dirigeant ayant connu deux liquidations judicaires depuis moins de 5 ans.

- Le deuxième sujet : La reconnaissance de la souffrance psychique du chef d’entreprise.

Nous avons accueilli pour en parler Maître Marc BINNIE (Greffier associé au Tribunal de Saintes) et surtout fondateur de l’association APESA (Aide Psychologique aux Entrepreneurs en Souffrance Aigüe).

Depuis notre rencontre en mars, l’association APESA 06 a été constituée dans notre département et les statuts signés le 24 septembre 2018 à la Chambre de Commerce et d’Industrie.

Les premiers membres du Conseil d’administration sont :

La Chambre de Commerce en qualité de Président représentée par son Président en exercice Jean-Pierre SAVARINO.

Le CIP06 en qualité de Vice-Président représenté par son Président en exercice Victor PESLIER.

L’Ordre des avocats du Barreau de Grasse en qualité de Secrétaire représenté par son Bâtonnier en exercice Maître Roland RODRIGUEZ.

La Commission administrative de l’Ordre des Experts-Comptables des Alpes-Maritimes en qualité de Trésorier représentée par sa Présidente en exercice Madame Sylvie ROULLE.

Le professionnel (qu’il soit Juge, Greffier, Huissier, Commissaire-Priseur, Administrateur et Mandataire Judiciaire, Avocat, Expert-comptable) qui détecte un chef d’entreprise en souffrance peut alors déclencher une alerte et lui poser la question-clé suivante :

« Est-ce que vous acceptez d’être aidé ? »

Et dans un délai maximum de 24 heures, une évaluation précise de la gravité de la situation sera effectuée par un Psychologue et 5 séances gratuites seront proposées au chef d’entreprise concerné.

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Monsieur le Procureur de la République adjoint, votre présence garantie l’ordre public dans notre Tribunal. Nous entretenons des relations constructives, dans un climat de confiance. Chacun joue son rôle dans le respect de l’autre. Je vous remercie du temps que vous consacrez à notre juridiction, de la qualité de nos relations et de votre implication dans les dossiers.

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MES REMERCIEMENTS :

Je souhaite à tous les juges qui nous quittent cette année bonne chance dans leurs nouveaux projets après des années de dévouement, de travail et d’exemplarité.
Je voudrais particulièrement remercier le Vice-Président Pascal NOUGAREDE et deux Présidents de chambre : Elisabeth FLEURY et Jean-Pierre CARAMELINO.

Leurs départs obligatoires après 14 ans de fonction conduit à m’interroger sur la manière de structurer durablement notre institution. Imaginez une entreprise dans laquelle les cadres les plus expérimentés doivent partir en pleine capacité d’encadrer et de former.

Mais heureusement pour notre tribunal, ils vont continuer à nous aider pour Elisabeth à la formation des juges du Contentieux Général et Pascal aux Juges Commissaires. Quant à Jean-Pierre, il devient Président du CIP 06 (Centre d’Information et de Prévention des difficultés des entreprises).

Je salue Victor PESLIER qui termine son parcours de Président au CIP 06 après avoir été de longues années juge au Tribunal de Commerce et le remercie pour son parcours exemplaire.

Cette année Jean-Marie TADDEI, mandataire judiciaire prend sa retraite après 32 ans d’activité (1er janvier 1986).
Je voudrais saluer l’exemplarité de sa carrière et sa loyauté dans l’accomplissement des missions qui lui ont été confiées. Au nom de tous les magistrats de ce Tribunal je lui souhaite tout simplement de profiter du temps et de ses proches.

Je remercie les huissiers, les commissaires-priseurs et les experts-judiciaires qui accompagnent le Tribunal dans ses missions et participent à la bonne administration de la justice.

Enfin je remercie nos greffiers en chefs et tous les salariés du greffe qui par leur compétence et leur écoute nous permettent de donner le meilleur de nous-même.

IL ME FAUT MAINTENANT CONCLURE :

Mes derniers mots seront pour m’adresser aux juges de ce Tribunal.

Vous prenez du temps sur votre activité professionnelle et familiale pour faire vivre bénévolement la justice économique de notre territoire. Je suis très fier de votre engagement et de vous représenter.

La fonction de magistrat nécessite une résilience certaine aux adversités et aux difficultés et nous conduit en permanence à s’interroger sur la justesse de nos actions et de nos décisions.

Je vous remercie pour votre soutien indéfectible dans les situations difficiles.

Il me reste à vous remercier d’être venus si nombreux à cette rentrée solennelle qui montre votre attachement à notre juridiction.

Comme il se doit et au-delà des convenances, je vous souhaite, très sincèrement une excellente année 2019.

JE DONNE ACTE A MONSIEUR LE PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE DE SES REQUISITIONS.

JE DECLARE OUVERTE L’ANNEE JUDICIAIRE 2019 ET DIS QUE DU TOUT IL SERA DRESSE PROCES-VERBAL

L’AUDIENCE SOLENNELLE EST LEVEE
Jean-Marcel GIULIANI
Président
Tribunal de Commerce de Nice

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