Audience de rentrée (...)

Audience de rentrée du Tribunal de Nice : le discours du Président Giuliani

Ce matin s’est tenue l’audience de rentrée solennelle du Tribunal de Commerce de Nice. Le Président a brossé en quelques minutes le tableau de la justice économique et commerciale de Nice pour l’année écoulée. Il a pris le temps de faire le tour des problématiques à affronter pour toujours mieux accompagner les entreprises en difficulté. Il a détaillé les nombreuses actions prises (notamment de formations) par le Tribunal du Commerce de Nice pour rester une juridiction de proximité, à l’écoute et au service des entreprises - qui prévient et accompagne plutôt qu’elle ne sanctionne.

Tribunal de Commerce Discours de rentrée jeudi 18 janvier 2018 Jean-Marcel GIULIANI Président Tribunal de Commerce de Nice

Monsieur le Maire de Nice, Monsieur le Maire de Menton, Monsieur le Président de la Métropole Nice Côte d’Azur, Monsieur le Président du Conseil Départemental, Monsieur le Premier Président, Monsieur le Procureur Général, Monsieur le Président du Tribunal de Grande Instance, Monsieur le Procureur de la République, Monsieur le Président du Tribunal de Commerce d’Antibes, Madame la Présidente du Tribunal de Commerce de Grasse, Monsieur Le Président du Conseil des Prud’hommes, Mesdames et Messieurs les hautes autorités, Mesdames et Messieurs.

Je vous remercie pour votre présence qui nous honore.

Votre soutien nous est grandement précieux.

Je voudrais à l’occasion de cette audience de rentrée solennelle du Tribunal, dresser le bilan d’une première année de mandat, rappeler les défis auxquels les juges de ce Tribunal doivent faire face et évoquer nos ambitions pour Nice : Tribunal Commercial Spécialisé.

J’ai souhaité cette année inviter les Présidents d’Honneur qui m’ont précédé dans ce fauteuil et leur dire toute ma reconnaissance pour savoir combien la tâche est difficile.

(Charles COSTAMAGNA – Roger TRIVERIO – Gérard CIGNETTI – Henri BOUQUET DE JOLINIERE – Raymond LASSALLE – Fabien PAUL.)

Je salue également le Président de la troisième région judicaire et les Présidents en fonction présents à cette audience.

Chers Présidents nous sommes des êtres hybrides car issus du croisement de deux individus que sont les entrepreneurs confrontés à la vitesse du changement dont la prise de décision doit être rapide et des magistrats dont l’action est plutôt conservatrice, avec une prise de décision plus lente pour en permettre la sérénité.

8 nouveaux magistrats rejoignent le TC de Nice. DR OT

Nous devons en permanence faire face à cette dualité de dirigeant et de Président de Tribunal, gérer les incompatibilités, les humeurs, les absences, arbitrer en permanence, motiver, veiller au bon déroulement des audiences, à la formation, faire face aux coups bas, à des comportements déloyaux, aux demandes incongrues, aux mécontents, aux insatisfaits avec au final peu de retour mais alors me direz-vous quelle est notre motivation ?

Certainement pas matérielle mais peut-être la volonté de contribuer à l’édifice de notre société et de faire avancer la justice économique et commerciale en lui apportant notre expérience et notre vision.

Nous avons le plaisir d’accueillir cette année l’arrivée de huit nouveaux magistrats qui représentent un renouvellement important de notre effectif.

Il devient difficile d’attirer et de motiver des candidats pour lesquels l’investissement en temps de formation et de présence au Tribunal est important.

Je tiens à les remercier pour leur engagement et leur implication active dans le processus de formation déjà engagé avec les premiers modules de l’ENM et au sein du Tribunal sur l’initiation à la rédaction des jugements.

Je remercie l’UPE 06 et son Président Philippe RENAUDI pour nous avoir apporté son aide dans le processus de recherche de candidats sans lequel nous ne pourrions renouveler la totalité de notre effectif.

Deux années probatoires s’ouvrent à eux pour valider leur cursus de formation et s’intégrer dans leur nouvelle fonction de magistrat consulaire.

J’insiste sur la déontologie et l’éthique indissociables dont ils devront veiller tout au long de leur fonction.

Je vous souhaite la bienvenue dans notre Tribunal

Que votre fonction vous apporte un enrichissement intellectuel et personnel qui je l’espère sera bénéfique pour vos entreprises.

Nous devons, tous ensemble, relever de nombreux défis :

La justice commerciale a deux impératifs : rester proche du justiciable tout en étant de plus en plus spécialisée.

L’organisation actuelle de l’ensemble de nos tribunaux qui demeure au plus proche des entreprises et des 18 tribunaux qui sont spécialisés (dont Nice fait partie) répond à cette double exigence.

Depuis le 26 juin 2017 le règlement N° 2015/848 du Parlement européen est applicable et a donné compétence exclusive aux tribunaux de commerce spécialisés pour traiter des actes pris par l’Union européenne relatifs aux procédures d’insolvabilité.

Mais au-delà, la justice économique et commerciale doit relever le défi de la transformation numérique des tribunaux avec une nouvelle approche de la justice rendue plus prédictive et un marché du droit avec le développement de multiples plateformes.

Vous comprendrez alors que la formation est une exigence absolue et nécessaire pour garantir la qualité de nos jugements et notre indépendance.

La réforme de la justice du XXIème siècle avec le nouvel article L.722-17 du Code de Commerce impose aux juges consulaires de suivre une formation initiale et une formation continue.

Outre les formations suivies au niveau national par les juges consulaires, nous avons tissé des liens étroits avec la faculté de Droit de Nice et plus particulièrement le Centre d’Etude et de Recherche en Droit des Procédures (C.E.R.D.P.) dirigé par le Professeur agrégé des Universités Mathias LATINA.

Nous avons organisé cette année quatre formations soit dans la superbe Chambre du Conseil de la Faculté de Droit soit au Tribunal de Commerce sur les thèmes suivants :

« L’action en justice et le droit des entreprises en difficultés » animée par le Professeur Pierre-Michel LE CORRE
« Revendications et restitutions » » animée par le Professeure Emmanuelle LE CORRE BROLY
« La réforme du droit des contrats » animée par le Professeur Mathias LATINA
« Les procédures rapides devant le Tribunal de Commerce » » animée par le Professeur Yves STRICKLER

Une nouvelle action est planifiée en avril 2018 avec Madame Le professeure Natalie FRICERO.

Nous avons également organisé en novembre 2017 avec l’Ecole Nationale de la Magistrature au sein du Tribunal une journée de formation ouverte au niveau national sur la réforme du droit des contrats animée par le Professeur Mathias LATINA.

De nombreux juges ont suivi la formation à distance (en E-learning) en collaboration avec l’Université Paris 1 Panthéon Sorbonne sous la Direction du Professeur François-Xavier LUCAS délivrant un certificat de droit des entreprises en difficultés.

J’ai par ailleurs contribué à cet échange en dispensant des cours à la faculté de Droit dans le Master en administration et liquidations d’entreprises en difficultés supervisé par le Professeur Pierre-Michel LE CORRE.

Cette collaboration avec l’Université me parait essentielle et permet à chacun d’échanger, de passer de la théorie à la pratique c’est en sorte un contrat d’apprentissage pour faire le parallèle avec l’entreprise.

A l’occasion du Congrès National des Tribunaux de Commerce qui s’est déroulé les 9 et 10 novembre derniers à la Maison de la Chimie à Paris, Georges RICHELME, Président de la conférence nationale des juges consulaires de France, a présenté les propositions de réforme pour rationaliser la justice économique en France.

L’ambition de la réforme de la Conférence n’est pas isolée.

La proposition de loi d’orientation et de programmation pour le redressement de la justice prévoit dans son article 15 la création d’un tribunal des affaires économiques.

Il est important de souligner que les tribunaux de commerce ne sont pas dans l’opposition mais force de proposition.

Le développement des modes alternatifs de résolution des différents continue d’être une priorité de notre juridiction ; son acceptation par les parties n’est pas toujours évidente, certaines s’imaginant qu’un délibéré de trois juges est mieux à même de les satisfaire que la conciliation à laquelle elles participeraient pourtant activement.

Je tiens à remercier Monsieur Le Bâtonnier Jacques RANDON d’avoir pris le temps de venir à la rencontre de notre juridiction le 15 septembre dernier. J’ai apprécié la qualité de nos échanges, notre vision commune sur les M.A.R.D. et la démarche que vous avez entreprise auprès des avocats pour les sensibiliser sur l’action menée par le Tribunal de commerce dans le cadre de la conciliation.

Nous avons sélectionné cette année une centaine d’affaires et sur les 90 entretiens réalisées, plus de la moitié se sont soldées avec succès par un accord de conciliation.
Ce constat signifie qu’il est essentiel de bien sélectionner les litiges et de préparer les parties et leurs conseils à la conciliation.

Le président GiulianI a chaleureusement remercié l’ensemble des juges et a souligné leur "engagement exemplaire". DR OT

En matière de traitement des difficultés des entreprises le Tribunal a été saisie de 352 déclarations de cessation de paiement contre 356 en 2016 soit une baisse de 1% contrairement à la tendance nationale en recul de 7%. Cet écart est en partie lié aux répercutions de l’attentat du 14 juillet 2016 et aux travaux du Tramway dans notre ville.

Nous avons mis en place en concertation avec les mandataires judiciaires, le greffe et en présence du Ministère Public, au deuxième trimestre 2017, une nouvelle modalité de cession de gré à gré pour les biens isolés en liquidation judiciaire.

L’objectif de cette nouvelle procédure sous plis cachetés sans possibilité d’amélioration de l’offre est triple :

- permettre une totale transparence de la transaction
- garantir une parfaite égalité entre les pollicitants
- arriver à obtenir un prix plus conforme au marché

Nos premiers résultats sont positifs, même si nous devons procéder à quelques ajustements.

- Dans le domaine de la prévention des difficultés des entreprises, le tribunal a été particulièrement actif.
Les juges chargés de la prévention ont conduits plus de 200 entretiens confidentiels avec les dirigeants d’entreprises qui présentaient des signes de difficultés financières (fonds propres négatifs, inscriptions de privilège, non dépôt des comptes annuels, injonctions de payer répétées….).
Soit à la suite de ces entretiens, soit de leur propre initiative les chefs d’entreprises qui connaissaient de réelles difficultés ont sollicité l’ouverture de procédures de conciliation ou mandat ad hoc.

- En matière de sanctions, la jurisprudence de la Cour de Cassation sur les modalités de convocation des dirigeants doit nous conduire à être plus vigilant et renforcer l’efficacité de cette chambre spécialisée. Il n’en demeure pas moins que 189 dossiers ont fait l’objet d’un jugement de sanction contre 107 en 2016 soit une progression de plus de 75%.
Il convient de rappeler le rôle de régulation essentiel de notre juridiction et du Ministère Public pour écarter de la vie des affaires les entrepreneurs malveillants tout en préservant le dirigeant malchanceux.

Monsieur le Procureur de la République adjoint, vous avez compris depuis votre arrivée dans notre Tribunal que la place du Ministère Public est importante tant elle garantit l’ordre public économique et social qu’elle légitime nos décisions recherchant toujours les meilleures solutions pour pérenniser l’emploi et l’activité économique tout en garantissant les droits des créanciers.

Mesdames, Messieurs les administrateurs et mandataires judiciaires Je voudrais faire le point sur un sujet qui a animé notre juridiction : l’Administration Provisoire….

Il me semble utile et nécessaire, pour que les choses soient claires, de rappeler que :

« La désignation judiciaire d’un administrateur provisoire de la société est une mesure exceptionnelle qui suppose rapportée la preuve de circonstances rendant impossible le fonctionnement normal de la société et la menaçant d’un péril imminent ».

Elle est ordonnée par le juge qui définit dans sa décision la mission et l’étendue de cette mesure.

Il est donc clair que l’administration provisoire n’a pas vocation à perdurer dans le temps quel que soit la valeur et la qualité de l’administrateur désigné.

Il est donc naturel que le juge qui a ordonné cette mesure veille à ce que son caractère exceptionnel trouve une issue favorable aux intérêts de la société.

Dans cet esprit le Juge a toute latitude pour s’enquérir des suites de sa décision et des éventuelles difficultés qui ne permettraient pas d’y mettre fin.
L’autonomie de l’administrateur désigné par le Juge est donc limitée à la volonté du Juge de trouver en toute transparence et dans le seul intérêt de l’entreprise, une solution pérenne à une situation exceptionnelle.

Toutes autres interprétations, agissements, instrumentalisations ne peuvent être interprétés que comme le non-respect de la confiance donnée.

Les trois vertus romaines étaient la virtus, la pietas et la fides.

Il me semblait opportun de rappeler que pour le Tribunal la seule vertu à respecter est la fides ou autrement dit la confiance qui vous est faite dans l’accomplissement des missions qui vous sont confiées.

Ensuite, je voudrais saluer la qualité de votre travail.

Votre concours nous est indispensable et précieux pour éclairer nos décisions en chambre du conseil et dans les audiences de juges commissaires.

Enfin comme je vous l’ai exprimé l’an dernier je veux vous dire :
mon attachement à votre présence aux audiences,
à votre devoir d’accompagner et de faciliter le parcours du chef d’entreprise et de ses salariés dans la période difficile qu’ils traversent.

Je vous témoigne de ma confiance qui sera proportionnelle à votre loyauté.

MES REMERCIEMENTS :

Je remercie les juges qui m’ont fait confiance et leur rappeler ma fierté de les représenter.

Leur engagement est exemplaire en prenant du temps sur leur activité professionnelle et familiale pour faire vivre bénévolement la justice économique.

Je souhaite à tous les juges qui nous quittent cette année bonne chance dans leurs nouveaux projets après des années de dévouement, de travail et d’exemplarité.

Je remercie les huissiers qui nous accompagnent tous les vendredi matin dans notre audience d’appel des causes et les commissaires-priseurs qui assistent les mandataires et les débiteurs dans des conditions parfois bien difficiles.

Enfin je remercie nos greffiers en chefs et toute l’équipe du greffe pour leur aide, leur professionnalisme et la rigueur qu’ils emploient pour faire vivre cette institution.

IL ME FAUT MAINTENANT CONCLURE 

Avant tout présider un Tribunal c’est lui garantir son indépendance, son unité et l’équilibre indispensable entre toutes les parties prenantes de son organisation.

Je m’attacherai à poursuivre ce chemin, avec la contribution et la cohésion de tous, afin que notre institution continue de progresser et que nos structures restent solides et résistantes.

Il me reste à vous remercier d’être venus si nombreux à cette rentrée solennelle qui prouve votre attachement à notre juridiction.

Comme il se doit et au-delà des convenances, je vous souhaite, très sincèrement une excellente année 2018.

JE DONNE ACTE A MONSIEUR LE PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE DE SES REQUISITIONS.

JE DECLARE OUVERTE L’ANNEE JUDICIAIRE 2018 ET DIS QUE DU TOUT IL SERA DRESSE PROCES-VERBAL

L’AUDIENCE SOLENNELLE EST LEVEE"

Retrouvez le discours du Procureur de la République adjoint TGI Nice en cliquant ici

Photo de Une : de très nombreuses personnalités du monde économique et commercial ce matin pour assister à l’audience solennelle DR OT

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