Droit de manifester (...)

Droit de manifester : le Conseil d’État borde les restrictions "sanitaires"

La crise sanitaire ne justifie pas une interdiction de manifester indique la haute juridiction qui impose cependant les gestes barrières et des rassemblements de 5 000 personnes maximum. Décryptage.

Conseil d’État

Vous vouliez manifester ? J’en suis fort aise, eh bien vous pouvez défiler
maintenant ! Mises entre parenthèses pendant la période de confinement,
la liberté de manifester a été rétablie par
le Conseil d’État dans une décision publiée samedi dernier. Avec comme restriction symbolique le "respect des gestes barrières", même si l’on peut préjuger qu’ils seront dans les faits assez difficiles à mettre en œuvre, éventuellement à faire respecter.

Place de la République

La haute juridiction a estimé que "l’interdiction de manifester n’est pas justifiée par la situation sanitaire actuelle".
Mais elle a dans le même temps limité à 5 000 le nombre de personnes autorisées à défiler jusqu’au 31 août. Ce samedi à Paris, justement, une manif contre les violences policières n’avait pas été autorisée par la préfecture et des heurts s’en sont suivis sur la place de la République.

Interdite mais tolérée...

Un certain flou "artistique" a d’ailleurs entouré cette manifestation puisque, bel et bien "interdite", elle a toute de même été "tolérée", le ministre de l’Intérieur ayant annoncé qu’elle ne donnerait pas lieu à des sanctions.
Un Christophe Castaner une nouvelle fois en position inconfortable suite à des déclarations sur le racisme qui ont irrité ses propres troupes au point qu’elle ont… manifesté.

Déclaration

Le Conseil d’État a cependant rappelé que toute manifestation sur la voie publique peut être interdite par la police ou le préfet s’il y a des risques de troubles à l’ordre public ou lorsque des circonstances locales le justifient.
Les rassemblements doivent faire l’objet d’une déclaration préalable conformément à la loi.

Avocats, magistrats, syndicats

Le Syndicat des Avocats de France et le Syndicat de la Magistrature ont saisi le Conseil d’état sur cette interdiction de manifester qui, selon eux, "portait une atteinte manifestement illégale à plusieurs libertés fondamentales" comme le droit de réunion, le droit d’expression collective des idées et des opinions, la liberté syndicale. Une analyse partagée par la Ligue des Droits de l’Homme, la FSU, la CGT et Solidaires notamment.

Sans reprise de l’épidémie...

S’appuyant sur les recommandations du 24 avril du Haut Conseil de la santé publique, le juge des référés du Conseil d’état a rappelé qu’aucune restriction à la circulation dans l’espace public n’est possible si les fameuses mesures barrières sont respectées et tant "qu’une reprise de l’épidémie n’est pas constatée". L’article 7 du décret du 11 mai interdisant la présence simultanée de plus dix personnes "sur le territoire de la République" a donc vécu…

Hiérarchie des normes

Contrairement au droit de grève, le droit de manifester n’est pas inscrit dans la Constitution. Il paraît donc plus "fragile" même si des syndicats s’appuient sur la Déclaration des Droits de l’homme ("nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public").
La célèbre Déclaration est protégée par la hiérarchie des normes, ses textes ayant une valeur supérieure aux lois et aux décrets.

Dans l’histoire récente

Notre histoire a connu de nombreux précédents d’interdictions de manifester. Mais les limitations furent souvent ponctuelles et circonstanciées. À la fin de la guerre d’Algérie, la manifestation interdite du 8 février 1962 fut réprimée avec un bilan terrible : neuf morts dont un policier. Le 14 juillet 1953, une manifestation pro-indépendance avait déjà fait sept morts. À partir de cette date, tous les cortèges du 1er mai furent interdits jusqu’en 1967.

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