Les notaires des Alpes-Ma

Les notaires des Alpes-Maritimes s’emparent de l’IA

Bien loin de l’étiquette passéiste que certains leur collent parfois, les notaires, en exercice et en devenir, étaient nombreux fin mars à la faculté de Droit de Nice à se projeter dans l’IA.

« Les notaires ont toujours été à la pointe de l’utilisation des nouvelles technologies. Le notaire, qui était l’homme du papier, est devenu un spécialiste de l’écran, de la tablette », a glissé le Pr Mathias Latina en introduction de l’événement, « De l’intelligence artificielle à l’intelligence notariale », organisé le 27 mars par sa faculté, la chambre des notaires des Alpes-Maritimes, le CERDP et le Gredeg. « Le notariat sait se former, s’intéresser et avancer vers ces nouvelles technologies  », a poursuivi le directeur du master droit notarial. « En 20 ans, on est passé de l’ère totalement papier à 90 % environ de numérisation des processus existants », a confirmé Me Christian Revelli, directeur du numérique et des services informatiques au sein du Conseil supérieur du notariat (CSN). « Nous sommes à la fin d’un cycle, d’autres éléments apparaissent », a-t-il ajouté, en référence à l’IA, qualifiée de « révolution ».

« Notre objectif est multiple avec ce colloque et notamment que vous ayez conscience de la révolution qui est en marche  », a avancé Me Hervé Accorsi, président de la chambre des notaires 06, soulignant «  la nécessité d’appréhender et de s’emparer de l’intelligence artificielle et de faire comprendre à nos collaborateurs l’intérêt de ne pas rater le train  ». « Nous avons souhaité que ce colloque soit en connexion directe avec notre activité professionnelle  », a-t-il confié.

Indispensable formation

Le professeur Mathias Latina ©S.G

Deux tables rondes, la première sur l’IA et l’efficacité de l’étude, animée par Me Hervé Accorsi, la seconde sur l’IA et la précision notariale, animée par Me Camille Issert, notaire à Nice, ont complété les propos introductifs et la conférence de Me Revelli. Ce dernier a exposé la stratégie numérique du CSN, qui repose sur quatre axes : souveraineté, renforcement, développement et révolution. Il a insisté sur la formation, indispensable pour « maîtriser la technologie et son environnement » face aux «  risques de piratage et d’exfiltration de données  ». Me Éric Caprioli, avocat spécialiste du numérique, a tenu à préciser qu’avec l’IA, «  la matière encadrante » était « relativement pauvre », qu’il y « avait beaucoup de risques », le premier étant l’être humain. L’avocat a recommandé que chaque étude (comme d’ailleurs chaque entreprise) dispose d’une charte d’utilisation de l’IA. Autre enjeu abordé devant le public (nombreux) de l’amphithéâtre 202 du campus Trotabas, composé majoritairement d’étudiants et de notaires : celui de l’emploi. Pour Me Laurent Libouban, notaire à Nice, passionné de nouvelles technologies mais qui ne se revendique pas spécialiste de l’IA, cette dernière représente une opportunité, pas une menace. Il rappelle d’ailleurs que « depuis de nombreuses années, les révolutions technologiques dans le notariat n’ont jamais fait baisser les effectifs », «  qui sont en constante augmentation depuis 30 ans. Mais la formation est absolument indispensable  ».

« En un claquement de doigts »

Il y a pour lui trois étages dans la « pyramide » des tâches notariales : le premier, l’instruction du dossier, qui consiste en la collecte des pièces (avec des relances, par mail ou par téléphone), le deuxième, l’analyse des pièces et le contrôle de l’instruction et le troisième étage, la relation avec les clients. Me Libouban estime que l’IA va profondément modifier le deuxième étage de la pyramide « car c’est précisément ce que fait l’IA. L’IA est capable de lire un état hypothécaire de 200 pages en un claquement de doigts. Et elle est également capable de l’analyser et de ressortir la seule inscription hypothécaire qui n’a pas fait l’objet d’une mainlevée en un claquement de doigts. Là où un collaborateur mettra au moins 25 minutes. Et en plus il pourra se tromper ». «  Il faut permettre aux collaborateurs de comprendre l’IA, de la contrôler et de devenir irremplaçable par l’IA, souligne-t-il. C’est une course sans fin entre l’homme et la machine.  » L’enseignante et chercheuse Marina Teller estime que l’on est «  peut-être dans la période la plus compliquée parce qu’on voit bien que les choses bougent, que les métiers doivent bouger mais on n’a pas encore vraiment la visibilité sur ce qu’il faut faire. Je pense que dans les années qui vont venir les choses seront un petit peu plus claires. » « Mais cela ne veut pas dire qu’elles seront plus faciles  », prévient la directrice de la Chaire d’excellence scientifique « Droit économique et IA ».

Photo de Une : De gauche à droite : Patrick Nguetchouessi, doctorant et juriste, Marina Teller, Hervé Accorsi, Hugo Delescluse, conseil en transformation numérique, Dominique Chaminade, rédactrice en chef rédaction notaires Lefebvre Dalloz, Éric Caprioli et Laurent Libouban. ©S.Guiné