Professions du chiffre

Professions du chiffre et du droit : le numérique redistribue les cartes

Les outils numériques continuent de modifier durablement le quotidien d’un grand nombre de professions et celles du chiffre et du droit ne font évidemment pas exception à la règle.

Avec l’essor du numérique, "ce qui était le cœur de métier de la profession juridique, de recevoir une question juridique et de répondre en donnant l’état du droit, est de plus en plus ‘challengé’ par de nouveaux intervenants", analyse Romain Hazebroucq, ancien avocat et aujourd’hui responsable pédagogique du LAB EFB, qui forme les élèves avocats aux enjeux de la transformation de la profession.

"Ces nouveaux intervenants arrivent avec une culture d’utilisation des outils numériques et ils sont très vite pertinents et efficaces sur ce qui avant permettait aux cabinets d’avocats d’avoir une sorte de fond de roulement avec des dossiers assez faciles. Cela est de plus en plus accaparé par des acteurs qui vont avoir, généralement, trois stratégies : soit être comme des moteurs de recherche mais avec des réponses juridiques tellement ciblées par rapport à la demande de l’utilisateur qu’on confine presque au conseil juridique, soit ils vont intégrer de l’information juridique dans l’utilisation d’un outil, soit ils vont se mettre en intermédiaire entre le client et l’avocat c’est-à-dire qu’ils vont recevoir la demande du client, la qualifier et la redistribuer aux avocats. Quelle que soit la situation, cela bouleverse le modèle économique de pas mal de cabinets", a constaté Romain Hazebroucq au cours d’un webinaire organisé fin juin par le groupe Les Échos/Le Parisien et intitulé "Les professions du chiffre et du droit face à la transformation numérique".

Avocats "slasheurs"

Romain Hazebroucq s’est par ailleurs prêté au jeu de la prédiction sur l’avocat de demain et il distingue quatre profils : de grands cabinets pourraient se diriger vers le consulting juridique, des avocats pourraient créer leur propre legaltech à côté de leur cabinet, des avocats dits "slasheurs" pourraient faire des allers-retours entre leur cabinet, d’autres professions juridiques et des legaltechs et, enfin, des avocats pourraient devenir des sous-traitants, soit d’experts-comptables soit de plateformes qui se seraient interposées entre eux et le client. La legaltech, qui vient de la contraction des mots anglais "legal" et "technology" (technologie juridique), est définie par la Banque des territoires comme une "entreprise numérique qui propose une offre de services juridiques dématérialisés". Selon le 4e baromètre Wolters Kluwer/Maddynes sur les legaltechs françaises, les levées de fonds ont été beaucoup moins importantes en 2020, avec un montant de 17,8 millions d’euros, après une année 2019 record, de 52,1 millions d’euros.
De leur côté, les experts-comptables vont être confrontés à "un choc numérique", prédit Jean Saphores, vice-président chargé de l’avenir numérique de la profession au Conseil supérieur de l’ordre des experts-comptables.

"Savoir évoluer"

"Dès 1998 on a mis en place la dématérialisation, en commençant par les téléprocédures. Il a fallu 15 ans pour arriver à la généralisation, c’est-à-dire 100% des entreprises en téléprocédure. Maintenant il va falloir dématérialiser l’ensemble des documents qu’il y a autour de nous. On arrive dans le document numérique : la facture électronique, le bulletin de paie électronique. Pour les échanges bancaires, nous avons réglé cela lors des 10 dernières années. Mais là on a un choc numérique qui arrive et il faut penser autrement, partager l’information". Il estime par ailleurs qu’avec les nouvelles technologies, "on déplace le travail. Il y a un gain de temps sur la partie tenue de comptabilité mais, par contre, on a une complexification des circuits d’information et nous allons avoir des prestations qui vont beaucoup s’élargir. Il faut organiser tous les flux de collecte d’information, devenir un intégrateur de données, beaucoup plus qu’un saisisseur de données. On va avoir une ouverture, avec la restitution, l’approche client, la présentation des comptes, le prédictif et les données extra-financières. Notre vrai travail, c’est de savoir évoluer".

Visuel de Une : De gauche à droite : Jean Saphores, Lucie Morlot, directrice du Pôle Finance Les Échos/Le Parisien Événements et animatrice du webinaire, et Romain Hazebroucq. DR

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