Réforme de la Justice (...)

Réforme de la Justice : la "colère noire" des métiers du droit ne faiblit pas

Nouvelles journées de mobilisation des professions du Droit, le mercredi 12 et 19, avec des rassemblements d’avocats, de magistrats, greffiers et personnels devant les palais de Justice de France et de Navarre. Une initiative du Conseil National des Barreaux qui, par ces actions, entend montrer au public - et donc aux justiciables - les dangers contenus dans la loi de réforme de la Justice préparé par Mme Belloubet.

À Grasse, le Bâtonnier Roland Rodriguez et de nombreux avocats du Barreau ont été rejoints par des magistrats pour un blocage du palais.

"Nous relayons localement le mot d’ordre du CNB, en nous regroupant
devant le palais de Justice puis en allant présenter nos doléances à la sous-préfecture
" explique le Bâtonnier. "Sur la forme, nous sommes peinés par ce vote à la hussarde, intervenu entre le Brexit et des séances de questions au gouvernement. Sur le fond, nous sommes inquiets car, avant l’été, la garde de Sceaux nous avait promis la mise en place de groupes de travail. Elle était même venue à Grasse pour nous dire qu’elle avait bien pris la mesure des spécificités de notre juridiction".

Pour le Bâtonnier grassois, le texte voté la semaine dernière "donne un blanc seing aux présidents des Cours d’Appel pour modifier la carte judiciaire hors de tout contrôle du législateur. Il craint qu’à terme, les juridictions ne soient vidées de leur substance. "Cela signifie qu’un tribunal comme Grasse perdrait de ses compétences. De plus, le texte permet des spécialisations hors département, comme c’est déjà le cas avec les affaires de propriété
intellectuelle qui sont jugées à Marseille". De là à fusionner les tribunaux d’instance, juridictions de proximité et du quotidien, avec les TGI, il n’y a qu’un pas que les Avocats et magistrats ne veulent pas voir franchi.

Des "rustines"

Accrochées depuis plus d’une semaine aux grilles du palais niçois, les banderoles dénonçant la réforme sont toujours en place. C’est donc dans ce décor familier que ce mercredi, à 9 heures 15, une opération "commando" mais pacifique avait prévu le cadenassage symbolique des grilles du palais.
Mais une intervention de la maréchaussée, alertée par le procureur de la République, a empêché cette action "alors même que tout s’est toujours bien passé à Nice où nous n’avons jamais bloqué toutes les audiences. Nous allons donc assumer ce bras de fer" a prévenu Paul Jacmin, du Syndicat de la Magistrature.
En fin de matinée, derrière les Bâtonniers Valentin Cesari et Martine Videau-Gilli, de nombreux avocats, magistrats et greffiers se sont rendus devant les… grilles de la préfecture. Pour alerter, une nouvelle fois, des dangers de la loi devant être votée la semaine prochaine.
"Nous sommes contre ce projet qui nous est imposé d’en haut, après une consultation factice, dont le seul but est de maintenir en état de marche une justice indigente en lui collant des rustines" a tonné le Bâtonnier Cesari. Il a souligné les carences en nombre de magistrats et de greffiers, des infrastructures, avant de dénoncer "un pouvoir autiste qui, comme dans tous les autres domaines, s’étonne des réactions qu’il provoque (…) On nous dessine une carte judiciaire racornie, dont le but est de réduire le nombre de dossiers confié aux juges. On anéantit les droits de la défense".

Maître Xavier Fruton, pour la FNUJA, était sur la même longueur d’onde : "Nous, professionnels du Droit, luttons contre ce projet de loi qui
déshumanise la justice. Nous sommes contre cette numérisation à marche forcée, alors qu’il y a encore des zones blanches. Obliger un justiciable à utiliser un ordinateur pour déposer plainte n’est pas acceptable
".

Maître Mireille Damiano, du Syndicat des Avocats de France, a dénoncé une "vision économiste qui n’est pas juste (…) On a bien compris que le texte n’est pas amendable et que le juge n’aura plus les moyens d’apprécier".

Représentant la Confédération Nationale des Avocats, Maître Roy Spitz a lui aussi pointé "un simulacre de concertation, un débat confisqué", regrettant le vote bloqué à l’Assemblée "qui ne relève pas d’une bonne conception de notre démocratie". Il espère, sans trop y croire, dans la commission mixte paritaire (CMP) de lundi, "mais il n’y a rien de sûr". Le Bâtonnier Cesari et quelques représentants des syndicats ont été reçus en début d’après-midi par le directeur de cabinet du Préfet, pour lui transmettre les doléances.

Photos de Une : Les TGI de Nice et Grasse ont suivi l’appel national de mobilisation et devraient se rassembler de nouveau dès le 15 janvier 2019. DR

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