Réforme des procédures

Réforme des procédures collectives : les nouveautés de la déclaration de créance

Objectif annoncé de l’ordonnance du 12 mars 2014, le rééquilibrage des droits et obligations des créanciers et du débiteur en matière de procédures collectives se traduit tout au long de la procédure et plus particulièrement, lors de la vérification des créances. Le texte, complété in extremis par un décret du 30 juin 2014, s’applique à toutes les procédures collectives ouvertes après le 1er juillet 2014.

Au cœur des préoccupations des créanciers, la procédure de vérification des créances a fait l’objet d’aménagements destinés à faciliter leur admission au passif de la procédure.

La déclaration de créance proprement dite.

Elle ne change pas puisqu’il s’agit toujours pour le créancier de déclarer sa créance dans les deux mois de la publication du jugement d’ouverture de la procédure collective de son débiteur au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales (BODACC). Pour les créanciers munis de sûretés qui se voient notifier l’ouverture de la procédure collective par le mandataire judiciaire, ce délai démarre à compter de cette notification.

L’ordonnance du 12 mars 2014 aménage cependant ce que l’on pourrait qualifier de « pré- déclaration » de créance du chef du débiteur.

En effet, les créances portées à la connaissance du mandataire judiciaire par le débiteur sont réputées valoir déclaration de créance pour les montants indiqués par le débiteur. Naturellement, les créanciers prudents continueront de déclarer leurs créances, parce qu’ils ne sont pas certains de figurer sur la liste des créanciers remise par le débiteur au mandataire judiciaire ou s’ils y figurent, les montants pourraient être inexacts. L’avantage de cette « pré-déclaration » est de permettre à des débiteurs mal informés de l’ouverture d’une procédure de ne pas subir les rigueurs du bref délai de déclaration. Qui plus est, le débiteur est par ailleurs incité à communiquer au mandataire judiciaire la liste la plus exhaustive possible des créances puisqu’en cas d’omission, le juge peut décider de mettre à sa charge les frais de l’instance en relevé de forclusion.

Toujours au sujet des déclarations de créance, le contentieux s’était fortement articulé autour des pouvoirs des déclarants.

En effet, il était admis que, réserve faite de l’avocat du créancier, seul le représentant légal de la personne morale ou son mandataire spécialement habilité pouvait signer la déclaration. Mais dès lors qu’à la date de la déclaration de créance, le signataire de cette déclaration n’était pas habilité, la créance était rejetée. La jurisprudence de la Cour de cassation avait été amenée à évoluer pour laisser un peu de latitude aux créanciers qui pouvaient justifier de la capacité du signataire de la déclaration jusqu’à l’audience de contestation. Cette solution jurisprudentielle est confirmée et amplifiée puisque le créancier peut désormais ratifier la déclaration jusqu’à la date à laquelle le juge-commissaire statue.

Le relevé de forclusion.

Ce relevé permet à un débiteur hors délai, d’être tout de même admis à déclarer sa créance dans la procédure. Son régime est largement aménagé afin d’offrir plus de souplesse aux créanciers. Il est ainsi ouvert à tout créancier, victime d’une omission de la part du débiteur et non plus d’une omission volontaire de celui-ci, condition que l’ancien texte exigeait. Et, bien que le délai pour demander le relevé soit réduit de moitié (le créancier dispose dorénavant d’un délai de six mois), le point de départ n’est plus le jugement d’ouverture mais la date à laquelle le créancier aurait dû connaître l’existence de sa créance.

Dernier aménagement, le créancier bénéficie d’un délai d’un mois à compter de l’ordonnance du juge-commissaire le relevant de forclusion pour déclarer sa créance.

Procédure.

Sur le plan procédural, l’effort a été concentré sur la transparence du débiteur et sur les pouvoirs du juge-commissaire, magistrat chargé de trancher les contestations de créances.

Pour inciter le débiteur à plus de transparence, il lui est fait obligation de prendre position dans un délai de 30 jours sur la proposition d’admission ou de rejet du mandataire judiciaire de la créance déclarée. Ainsi, le régime du débiteur et des créanciers sont alignés l’un sur l’autre. Un tel rééquilibrage est salutaire pour la loyauté des débats dans la procédure de vérification.

Toujours dans un souci de transparence accrue, un débiteur en procédure collective a désormais l’obligation de communiquer l’ouverture de la procédure collective dans un délai de 10 jours à compter de celle-ci à l’ensemble de ses adversaires, dans les instances en cours. A défaut de se plier à cette formalité, le dirigeant du débiteur peut être sanctionné par une interdiction de gérer si cette omission est volontaire.

Enfin, le juge-commissaire voit ses pouvoirs étendus puisque il est maintenant compétent pour décider de l’admission ou du rejet de la créance sauf lorsqu’une instance est en cours ou que la contestation est sérieuse. Cette dernière limite à sa compétence fait naturellement écho à la compétence du juge des référés. Ceci devrait permettre d’unifier encore un peu plus le contentieux de la vérification de créance.

En résumé, le rééquilibrage des droits des créanciers et du débiteur connaît des développements très intéressants. La pratique révélera si ces aménagements sont suffisants pour tarir un contentieux parfois inutile et frustrant pour les créanciers et ainsi apporter un peu plus de sérénité au traitement des difficultés des entreprises.

Par Jérôme WALLAERT, Avocat, département règlement des contentieux