Chine : le PCC en congrès

Chine : le PCC en congrès

Le Congrès du Parti communiste chinois est toujours un moment important de la vie politique du pays. Asssorti de rites et de discours souvent hermétiques aux Occidentaux. Cette année, les ambitions affichées sont claires : désormais, les populations doivent bénéficier des fruits d’une croissance durable. Une nouvelle révolution culturelle ?

Il n’est pas si lointain le temps où le congrès annuel du Parti communiste chinois ne mobilisait que les (rares) sinologues des chancelleries étrangères. Qui cherchaient à identifier les courants dominants au sein des élites du Parti, et à tenter de décrypter le sens voilé des discours publics, burinés dans une langue de bois hermétique aux « longs nez ». Bien des aspects de la vie politique chinoise demeurent mystérieux aux Occidentaux, en ce compris les fondements dogmatiques du « socialisme à la chinoise », dont le vice-Premier ministre a rappelé, en préambule du Congrès, qu’il convenait de « faire progresser de manière globale [sa] grande cause » [1]. Sur la base du « concept de développement scientifique », considéré comme l’arme théorique d’un modèle qui ne doit pas « transposer mécaniquement le modèle politique occidental », selon l’appréciation du Président. Voilà donc déjà un motif d’inquiétude, et de discorde, pour les grands pays occidentaux – avec les Etats-Unis en pole position - qui prêchent sans relâche la transposition du modèle qu’ils ont unanimement adopté : un mix de démocratie élective et de capitalisme de marché.

Les dirigeants chinois se disent respectueux des vertus démocratiques et des droits de l’Homme, et nous ne sommes pas fondés à mettre en doute leur sincérité. Tout au plus doit-on constater que leur définition de ces principes est assez différente de celle qui est communément admise dans nos contrées. Du reste, sur le plan strictement politique, le Président Hu Jintao reconnaît des faiblesses : « le PCC doit augmenter son aptitude à exercer le pouvoir », a-t-il déclaré, dans une formulation sibylline qui laisse ouvertes de nombreuses interprétations (à moins que la traduction ne soit défaillante). Sur le plan économique, son diagnostic est beaucoup plus transparent et mérite une longue citation : « En toute lucidité, nous devons nous rendre compte qu’il existe encore beaucoup d’insuffisances dans notre travail et que bien des difficultés et problèmes subsistent dans notre marche en avant. Il s’agit notamment des phénomènes suivants : nous sommes confrontés aux problèmes saillants de déséquilibre, de manque d’harmonie et de non-durabilité dans notre développement ; la capacité d’innovation scientifique laisse à désirer ; la structure industrielle reste incohérente ; les fondements de l’agriculture demeurent faibles ; les contraintes que nous imposent les ressources naturelles et l’environnement écologique se font de plus en plus fortes ; les obstacles institutionnels qui entravent le développement scientifique du pays restent nombreux ; et les tâches qui visent à approfondir la réforme et l’ouverture, et à accélérer le changement du mode de développement économique s’avèrent lourdes et difficiles ».

Retour au domestique

Tout laisse donc à penser que les orientations stratégiques du pays vont nettement s’infléchir avec l’arrivée au pouvoir du dauphin Xi Jinping (en mars prochain, échéance du mandat du président en titre). Et de ce fait réjouir les pays de l’ancien club des « riches », qui depuis des années appellent la Chine à développer son marché intérieur (dont le potentiel constitue un véritable eldorado). On ne saurait prétendre ici que Pékin entend soigner ses populations dans le but de venir au secours des économies occidentales anémiées. Car les déséquilibres pointés du doigt par Hu Jintao se focalisent principalement sur la forte inégalité des revenus, qui commence à devenir préoccupante pour la stabilité de la société chinoise. A ce jour, la classe moyenne représenterait presque un cinquième de la population : la progression est sensible, certes, mais laisse quand même beaucoup de monde dans la pauvreté. L’objectif annoncé, à l’horizon 2020, est de doubler le revenu moyen par tête par rapport à celui de 2010 et de parvenir ainsi à construire une « société de moyenne aisance ». Dans un contexte de développement « durable » : les questions d’environnement (pollution, CO2, déchets, consommation d’énergie) ont été très présentes dans les communications de ce Congrès. Si les objectifs annoncés ne sont pas de pure forme, les industriels locaux peuvent se préparer à des lendemains rigoureux (tant pour leur mode d’exploitation que pour… leurs revenus). On voit mal toutefois que la Chine puisse renoncer à être l’usine du monde : à la même échéance de 2020, l’objectif est également de doubler le PIB par tête. Les ressources de l’exportation demeureront donc indispensables. Mais Pékin s’engage dans un programme ambitieux de satisfaction de ses ouailles : en matière d’éducation, d’accès aux services publics et de « crédibilité » de son système judiciaire. Sur ces thèmes, le chantier est en effet considérable…

Ainsi donc, sur la décennie en cours, les populations chinoises devraient-elles être soignées aux petits oignons, pour peu que les directives du Comité central soient effectivement mises en œuvre. Quant aux moyens d’y parvenir, les questions demeurent pendantes. Il n’est pas certain qu’ils seront empruntés au registre traditionnel des démocraties occidentales, si l’on en croit les conclusions de Hu Jintao : « Les valeurs essentielles du socialisme pénétreront profondément dans les esprits, la formation culturelle et morale des citoyens et la civilisation sociale enregistreront des succès notables ». Les Chinois eux-mêmes risquent de se montrer circonspects, surtout ceux qui ont connu les méthodes destinées à faire pénétrer profondément dans leurs esprits les valeurs morales de la Révolution culturelle…

[1Les citations sont extraites du Quotidien du Peuple, organe de presse officiel du Comité central du Parti.

deconnecte