Dette : Une histoire (...)

Dette : Une histoire bien française

Depuis un demi siècle, le pays vit à crédit et continue à creuser toujours plus profond le trou de la dette. Le réveil pourrait être brutal...

« Les années 2022 et 2023 ont été marquées par de fortes tensions inflationnistes et un niveau élevé des prix de l’énergie, qui ont affaibli le rebond de l’économie en sortie de crise sanitaire et repoussé la fin du « quoi qu’il en coûte ». La France a ainsi entamé l’exercice 2024 avec des finances publiques parmi les plus dégradées de la zone euro ». Tel est le - triste - jugement de la Cour des comptes dans son dernier rapport annuel. Pas vraiment une surprise, puisqu’à la fin du premier trimestre 2024, la dette publique du pays s’établissait selon l’Insee à 3 159,7 milliards, soit 112,5 % du PIB, soit plus d’un an de la richesse nationale.
Comment en sommes-nous arrivés là ?
Par presque un demi-siècle d’impéritie et de budgets déséquilibrés faisant appel à l’emprunt pour boucler les fins de mois. En 1975, Valéry Giscard d’Estaing alertait déjà les Français : « nous traversons la plus grande secousse que l’économie mondiale ait connue en temps de paix ». C’était juste après le premier choc pétrolier, qui mit fin à la parenthèse des 30 glorieuses. À problème exceptionnel, solution exceptionnelle : pour la première fois, le pays devait emprunter, depuis il est devenu addict...

À tombereau ouvert

La courbe de la dette ressemble à une piste noire que nous dévalons à grande vitesse : 169 milliards en 1975, un montant à peu près identique en 1981 à l’arrivée de François Mitterrand à l’Élysée et 683 milliards à son départ en 1995. Sous Jacques Chirac, elle atteint 1 260 milliards, sous Nicolas Sarkozy 1 892 milliards (et la perte du triple A des agences de notation). Sous François Hollande, elle passe le cap des 2 000 milliards. Sous Emmanuel Macron, elle a franchi les 3 000 milliards.
Bien sûr, des événements extraordinaires sont venus accélérer la dette, comme la crise des subprimes de 2007-2008 (une centaine de milliards), celle des gilets jaunes (dans une moindre mesure), et surtout celle du Covid qui a lourdement plombé les comptes. Depuis la pandémie, ce sont presque 1 000 milliards qui sont venus s’ajouter à l’addition… Le vrai prix du « quoi qu’il en coûte », dont l’addition n’est pas encore terminée.
Une seule parenthèse enchantée, la croissance enregistrée sous Lionel Jospin – entre 3 et 4 % par an – qui a fait pleuvoir des recettes fiscales inespérées et permis à la France d’entrer dans l’Euro en 1999. Mais la cagnotte d’une cinquantaine de milliards n’a pas servi au désendettement. Elle a été absorbée par des baisses d’impôts et une augmentation… des dépenses de l’État.

Mauvais élève de l’UE

Piètre consolation, il n’y a que l’Italie qui fasse plus mal que nous parmi les grands pays de l’Union européenne. La courbe de sa dette est parallèle à la nôtre et frôle aujourd’hui les 150 % du PIB, celle du Royaume-Uni est quasiment calquée sur la française. Bien sûr l’Allemagne est la bonne élève de la classe, à 60 % environ de son PIB…
Nos dérapages mal contrôlés - encore 5,5 % de déficit en 2023 – ont conduit à la récente dégradation de la note de la France par l’agence Standard & Poor’s. Un avertissement sans encore trop de frais pour l’instant puisque nous continuons à emprunter sur les marchés sans difficulté malgré ce bonnet d’âne.
Lucides sur la climat social, les derniers gouvernements Castex, Borne et Attal ont repoussé les hausses d’impôts. Ils ont parié sur une croissance qui reste cependant trop modérée pour produire assez de recettes fiscales remettre nos comptes à l’équilibre.
La charge de la dette, qui n’était encore que de 30 milliards d’euros par an en 2020, devrait atteindre les 80 milliards en 2027 selon François Villeroy de Galhau gouverneur de la Banque de France, qui résume la situation par « une bombe à retardement que nous laissons aux générations suivantes ». Sauront-elles nous remercier pour ce cadeau empoisonné ?

Jean-Michel CHEVALIER

Photo de Une : Illustration (vue extérieure du mnistère des finances) ©DR

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