Dominique Estrosi Sassone

Dominique Estrosi Sassone : Les combats d’une gagnante

Loi ELAN, loi PACTE, loup : l’élue des Alpes-Maritimes nous parle de son activité parlementaire et de la crise des gilets jaunes. Ceux qui l’ont approchée au cours de sa déjà longue carrière d’élue savent à quel point elle a un caractère trempé. Baignée dans la politique dès le plus jeune âge, elle s’est imposée par sa force de travail, par ses convictions inaltérables de "gaulliste sociale". Échanges avec la sénatrice Dominique Estrosi Sassone, par ailleurs conseillère métropolitaine et adjointe au maire de Nice.

Alors, comment "sentez-vous" cette nouvelle année ?

Déjà, je souhaite que 2019 ne ressemble pas à la fin de 2018... Le grand débat sera peut-être utile pour l’unité du pays, mais gare aux désillusions ! Est-ce que les citoyens participeront si certains sujets sont mis de côté ? On voit bien que les revendications originelles - la taxation du diesel par exemple - se sont élargies et que des sujets comme nos institutions sont venus s’ajouter au débat.

Dominique Estrosi Sassone, Sénatrice, Conseillère métropolitaine et adjointe au maire de Nice (DR JMC)

Pensez-vous que les maires et les cahiers de doléances peuvent aider à sortir de la crise ?

Ce qui me parait certain, c’est que les élus ne doivent pas prendre les choses en main. Ce serait une grave erreur. Ils doivent se contenter d’organiser matériellement la concertation.

Quel rôle peut jouer le Sénat ?

On y fait moins de politique politicienne qu’à l’Assemblée. Nous effectuons un travail sur le fond, dans un climat plus apaisé, même sur les sujets sensibles.

Comme l’affaire Benalla ?

Pour l’affaire Benalla, la commission d’enquête sénatoriale n’était pas terminée, nous avions jusqu’au 23 janvier pour rendre notre rapport. Or, il apparaît maintenant, après les révélations sur les passeports diplomatiques qui sont un dysfonctionnement gravissime impliquant l’Élysée, que toute la vérité n’a pas été dite pendant les auditions. Il y a même eu des mensonges sous serment.
Nous allons donc convoquer à nouveau Christophe Castaner et Alexandre Benalla dont nous attendons des précisions, pour le moins...

Vous aviez vu venir le phénomène gilets jaunes ?

Dès avant les gilets jaunes, le groupe LR du Sénat a demandé une commission d’enquête sur l’état de nos forces de sécurité. Nous avons été des lanceurs d’alerte car les récents événements ont montré le malaise, l’épuisement moral des troupes et le manque de matériels.
À la suite de cet état des lieux, nous avons refusé de voter le budget "sécurité" de la loi de finances 2019.

Vous vouliez durcir la législation ?

En octobre, notre président de groupe, Bruno Retailleau, avait déposé une proposition de loi sur les "black blocs" après avoir constaté les dérapages du 1er mai. Elle a été votée par le Sénat à l’unanimité, moins les vingt élus LREM. Nous proposions d’établir un fichier des personnes interdites de manifester, de transformer en délit ce qui relève aujourd’hui d’une contravention, de faire payer les casseurs.

Vos alertes n’ont pas été suivies d’effets...

Même chose pour la taxation du diesel : nous avions tiré la sonnette d’alarme dès l’automne, pour prévenir de l’impact sur les ruraux et les périurbains obligés de prendre leur voiture pour aller travailler. Et pareil pour le 80 km/h, mais nous n’avons pas été entendus.

À vous écouter, le groupe LR a raison sur tout. Votre famille politique n’est pourtant pas au mieux de sa forme...

Nous sommes 146 dans le groupe, et il y a forcément des sensibilités différentes. Des collègues se sentent effectivement mal vis-à-vis du parti, mais bien dans notre groupe sénatorial. Notre famille a beaucoup souffert des conséquences des présidentielles et des législatives qui ont été désastreuses.

Que dites-vous à ceux qui veulent réduire le nombre de parlementaires ?

Que cela reviendrait à réduire la représentativité des territoires : les gens seraient encore plus isolés. Dans toutes les grandes démocraties, il y a deux chambres, pour apaiser, équilibrer. Il ne faut donc pas abaisser les pouvoirs du parlement et, pour le Sénat, nous considérons qu’on ne doit pas descendre en-dessous de 230 (il y a 348 sénateurs actuellement, ndlr).

Vos autres activités parlementaires ?

J’ai été rapporteur de la loi ELAN. Les débats ont duré huit jours et six nuits. Pour le logement, nous avons organisé une conférence de consensus qui a fonctionné. Les amendements que j’ai portés ont été acceptés. Nous avons pu travailler avec le gouvernement pour qu’elle soit votée.
Nous déposerons des amendements sur la loi PACTE qui doit être discutée à la fin janvier. On veut en particulier soutenir les CCI qui sont menacées, ainsi que le droit des brevets.
Je travaille aussi sur le loup, me faisant la voix des éleveurs, pour dire que les 40 prélèvements annuels autorisés ne doivent plus être calculés au niveau national, mais rapportés à la situation des territoires. Aujourd’hui, le nombre de 500 individus qui correspond au seuil de renouvellement et de viabilité est atteint en France.

Propos recueillis par
Jean-Michel CHEVALIER

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