Edito - De l'art subtil

Edito - De l’art subtil de la dérogation

Bien sûr, en qualité d’ancien président de la République, il n’est pas tout à fait un citoyen comme les autres. Parce que, quoiqu’il dise ou quoiqu’il fasse, il se trouvera toujours au centre des attentions. Bienveillantes quelquefois, ou pas du tout, plus souvent encore. En tous cas, devant la justice, Nicolas Sarkozy ne jouit pas aujourd’hui d’un privilège particulier puisque son mandat est achevé, et avec lui l’immunité qui s’y rattache. Mais il a tout de même décroché une invitation en direct au 20 heures de TF1 pour s’expliquer, pour commenter et critiquer la décision du tribunal correctionnel de Paris, ce qui n’arrive quand même pas tous les jours aux personnes condamnées.
Ses supporters ont beau se convaincre qu’il existe un acharnement contre leur champion, il n’est pas surprenant avec cette intervention "dérogatoire" à la télé que les Français dans leur ensemble estiment à 62% que les personnalités politiques sont traitées "moins sévèrement" par la justice que le pékin moyen. Un sondage IFOP pour le JDD du week-end dernier traduit ce sentiment illustrant la fable "Les animaux malades de la peste". Être convaincu que, pour la télévision, le justiciable est traité différemment selon qu’il est "puissant ou misérable" est une chose. Sans doute d’aucuns se passeraient-ils volontiers de cette notoriété. Mais si le ressenti est le même concernant la justice, cela pose un sérieux problème, et surtout un risque vital pour notre démocratie.


Notre inimitable technocratie française a pondu de nouvelles "attestations dérogatoires" pour les zones confinées le week-end que sont les Alpes-Maritimes et le secteur de Dunkerque. Douze motifs précis ont été arrêtés - activité professionnelle, soins, démarches administratives et juridiques, etc. - qui permettent donc de "déroger" à l’enfermement à domicile. À vouloir trop bien faire, tous les cas de figure n’ont évidemment pas été prévus, malgré l’inventivité inépuisable de notre administration. Celui des vacanciers par exemple : comment revenir en toute "légalité" dans les A-M, et comment prouver que vous avez bien été hébergé par la famille à Perpignan ou à Bordeaux si vous ne pouvez pas produire de bon de réservation et encore moins de facture de votre séjour ?
À l’occasion des contrôles routiers au péage d’Antibes, où il y eut tout de même ces deux week-ends confinés 10% de la circulation habituelle des fins de semaines ordinaires, les gendarmes ont dû se fier à la bonne mine des personnes revenant d’un séjour pour reprendre le travail le lendemain à la première heure.
Il faudrait prévoir une treizième case - au moins - si ce confinement localisé du week-end devait perdurer. Et sans doute encore d’autres, car les Français ont une imagination fertile pour ne pas "déroger" en rond...

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