Banque de France : Chute

Banque de France : Chute de l’activité dans la plupart des secteurs au mois de mars

La Banque de France réalise des enquêtes par l’intermédiaire de son réseau régional. L’Enquête Mensuelle de Conjoncture, chaque début de mois, décrit la situation conjoncturelle du mois précédent et prévoit le PIB trimestriel, grâce aux réponses de 10 000 dirigeants d’entreprise.

Sur les périodes à venir un diagnostic est établi tous les mois pour les secteurs de l’industrie, des services marchands, du bâtiment et tous les trimestres pour le secteur des travaux publics ainsi qu’un volet sur l’accès au crédit.
Des tendances régionales sont mises en ligne chaque mois.

Point sur la conjoncture française à fin mars 2020

La situation exceptionnelle créée par le virus covid-19 a conduit la Banque de France à modifier l’exploitation et la présentation des résultats de son enquête mensuelle de conjoncture (EMC) dans l’industrie, les services marchands et le bâtiment. Notre objectif premier est en effet de fournir une photographie la plus détaillée possible du niveau d’activité par secteur au cours du confinement de la 2ème quinzaine de mars.
L’EMC a été réalisée par téléphone entre le 27 mars et le 3 avril auprès d’un échantillon de 8500 entreprises (avec des taux de réponse très satisfaisants en dépit du contexte), soit postérieurement à l’entrée en vigueur
des mesures de confinement.

À partir de cette photographie à fin mars issue de l’EMC, nous avons établi une estimation de la perte d’activité par secteur et au niveau agrégé (en termes de PIB) au cours de la période de confinement.
Cette estimation a été corroborée par l’exploitation d’autres sources de données à haute fréquence (transactions journalières par cartes bancaires, demandes d’activité partielle pour motif de coronavirus…).
Nous en avons aussi déduit une estimation de la variation du PIB au 1er trimestre 2020. Cette estimation n’est pas de même nature que l’indicateur synthétique mensuel d’activité (ISMA) publié habituellement. Elle ne repose pas sur la même méthodologie, celle de l’ISMA ne pouvant prendre en compte la rupture actuelle par rapport aux régularités passées. Elle ne prétend pas au même degré de précision habituel, mais fournit
un ordre de grandeur tout à fait fondé et utile pour apprécier la situation économique la plus récente.

Comme annoncé par communiqué le 18 mars, la Banque de France n’a pas publié fin mars ses prévisions macroéconomiques habituelles pour l’année en cours et les deux années suivantes. Compte tenu du maintien de fortes incertitudes sur la durée du confinement et les modalités de sa sortie, nous continuons à ce stade d’accorder la priorité au suivi approché mensuel de la conjoncture.

L’enquête mensuelle de conjoncture montre une chute brutale de l’activité dans la plupart des secteurs au mois de mars

L’enquête mensuelle de conjoncture a été menée du 27 mars au 3 avril auprès de 8 500 entreprises ou établissements.

Au mois de mars, la baisse de l’activité concerne la plupart des secteurs, mais avec une ampleur inégale
Face à l’épidémie du coronavirus et aux mesures de confinement (qui ont été effectives à partir du 17 mars à 12h), les entreprises ont fermé leurs sites plusieurs jours en mars et enregistré une forte chute de leur activité.
Dans l’industrie, le nombre de jours de fermeture exceptionnelle est de 5 jours en moyenne, mais varie de 1 jour dans la pharmacie à près de 8 jours dans le secteur du matériel de transport.
Ces nombres de jours de fermeture exceptionnelle sont à comparer à une durée totale de confinement de 10,5 jours en mars (hors week-ends), soit en moyenne dans l’industrie un taux d’ouverture des sites de production voisin de 50%.

Les secteurs qui montrent le plus grand nombre de jours de fermeture exceptionnelle sont le plus souvent ceux qui affichent aussi dans l’enquête les soldes d’opinion relatifs à l’évolution de l’activité (par rapport au
mois précédent) les plus dégradés et les taux d’utilisation des capacités de production les plus bas.

Au-delà des différences significatives d’un secteur à l’autre, le mouvement de baisse est général : l’activité se replie dans tous les secteurs, le plus souvent de manière brutale.

Ce mouvement n’est pas seulement lié au contexte français. Les commandes en provenance de l’étranger ont elles aussi été très affectées, l’épidémie touchant la plupart des principaux partenaires commerciaux des entreprises françaises.
Dans l’industrie, les secteurs les plus affectés par la baisse d’activité sont l’industrie automobile, la métallurgie et les fabrications de machines et équipements.

Pour l’ensemble de l’industrie, le taux d’utilisation des capacités de production est passé de 78% en février à 56% en mars, soit le plus bas niveau jamais enregistré dans cette enquête

Dans les services marchands, le nombre de jours de fermeture exceptionnelle en mars est de 6 jours en moyenne, avec des écarts encore plus importants : entre 1 jour dans l’informatique et 14 jours dans la restauration.
Dans les services aussi, les secteurs avec le plus grand nombre de jours de fermetures exceptionnels sont aussi ceux pour lesquels les soldes d’opinion relatifs à l’évolution de l’activité (par rapport au mois précédent) se sont le plus dégradés.
Les chutes d’activité les plus importantes sont enregistrées dans l’hébergement et la restauration. Travail temporaire et réparation automobile sont également très impactés.

L’activité du bâtiment s’est également fortement dégradée avec la mise à l’arrêt, sur le début de la période de confinement, de nombreux chantiers.

En matière de trésorerie, la situation s’est nettement dégradée en mars, à la fois dans l’industrie et dans les services

Conséquence directe de la chute brutale de l’activité, les entreprises jugent que leur situation de trésorerie s’est nettement détériorée en mars. Cette dégradation touche l’ensemble des secteurs à des degrés divers, et plus particulièrement les PME.

Pour faire face à ces difficultés, les entreprises ont augmenté leur demande de crédit de trésorerie sur la période : 17% des petites et moyennes entreprises (+10 points à fin mars) et 22% des entreprises de taille
intermédiaire (+12 points à fin mars) déclarent avoir fait une demande récemment.

La période de l’enquête a précisément été marquée par le lancement du dispositif de prêts garantis par l’État  : les entreprises ont fait leur demande mais n’ont pas encore reçu les fonds qui peuvent couvrir 25% de leur chiffre d’affaires annuel.

Les informations sectorielles de l’enquête permettent d’évaluer la perte d’activité à près d’un tiers pour une semaine type de confinement en mars

Nos modèles traditionnels de prévision du PIB à court-terme ne sont pas adaptés à la situation actuelle, ce qui a amené à développer une approche sectorielle alternative.

Le confinement représente une situation tout à fait exceptionnelle et inédite. Notre modèle habituel de prévision de court terme du PIB, le modèle ISMA, est construit pour s’ajuster au mieux aux évolutions habituelles du passé, et n’est donc pas un outil approprié dans le contexte actuel de rupture.
Une méthode alternative a donc été développée afin d’évaluer les effets du confinement branche par branche, à l’aide principalement de l’information fournie par notre enquête mensuelle de conjoncture de mars. La perte d’activité dans chaque branche a été estimée, au niveau de désagrégation le plus fin possible, à partir du nombre de jours de fermeture exceptionnelle déclarés par les entreprises au cours du mois de mars. Cette information a été corroborée par d’autres variables issues de l’enquête, et complétée
le cas échéant par d’autres sources disponibles.

Le tableau ci-dessous présente les résultats

Selon cette approche sectorielle, la perte d’activité sur une semaine-type de confinement est estimée à ?32% dans l’ensemble de l’économie.
Les pertes d’activité les plus fortes concernent la construction (avec une baisse à hauteur des trois quarts de l’activité normale) et les secteurs du commerce, transports, hébergement et restauration (à hauteur des deux tiers de l’activité normale)

L’industrie manufacturière est aussi substantiellement affectée (avec une perte d’activité de près de moitié), de même que les autres services marchands (avec une perte d’environ un tiers), comprenant notamment
les activités artistiques et relatives aux spectacles, ainsi que les services aux entreprises affectés par le ralentissement global de l’économie.

Si l’on regroupe tous ces secteurs, soit l’industrie manufacturière, la construction et les services marchands non financiers (qui représentent ensemble 55% du PIB), la perte d’activité représente environ la moitié du niveau normal.

Les secteurs moins sévèrement touchés (qui représentent un peu moins de la moitié du PIB) sont l’agriculture et l’industrie agro-alimentaire, la cokéfaction, le raffinage et la production d’énergie, les services non marchands ou les services financiers et immobiliers. Ces derniers contiennent par exemple les loyers effectifs et imputés, par nature non concernés par le confinement.

Sur l’ensemble du mois de mars, la perte d’activité serait de -17%, compte tenu des deux semaines de confinement et de la baisse d’activité enregistrée dans certains secteurs dès le début du mois.

La contraction du PIB au 1er trimestre 2020 est estimée autour de -6% ; chaque quinzaine de confinement entraine une perte de PIB annuel proche de -1,5%.

Pour mémoire, notre précédente prévision de croissance trimestrielle du PIB pour le premier trimestre, publiée il y a un mois avec l’enquête de conjoncture de février, s’élevait à +0,1%.

L’impact sur l’activité des mesures de confinement estimé ci-dessus nous amène à fortement réviser notre estimation de la variation trimestrielle du PIB au 1er trimestre, autour de ?6%.

Cette estimation n’a pas la même précision que nos estimations usuelles mais elle fournit néanmoins un ordre de grandeur utile. Elle se déduit approximativement de la perte d’activité de ?32% pendant le confinement en la divisant par six, compte tenu d’un demi-mois de confinement sur l’ensemble du trimestre.

Outre cet effet mécanique du confinement, l’estimation prend également en compte les effets de la crise du Covid-19 dans la première quinzaine de mars, même s’ils sont bien moindres ; le ralentissement du tourisme
s’était par exemple traduit par une baisse d’activité dans certains secteurs des services dès le début du mois. En revanche, la progression du PIB au cours des deux premiers mois de l’année a été d’une ampleur
marginale au regard de la chute de mars et n’affecte pas le calcul.

Il faut remonter au 2ème trimestre 1968, marqué par les événements du mois de mai, pour retrouver une baisse trimestrielle de l’activité du même ordre de grandeur. Le PIB avait alors chuté de -5,3%, avant de rebondir de +8,0% au 3ème trimestre 1968.

Toutes choses égales par ailleurs, chaque quinzaine de confinement ampute le niveau du PIB annuel de près de ?1,5%.

Cet ordre de grandeur s’obtient en divisant l’estimation de la perte du PIB pendant une quinzaine (-32%) par le nombre de quinzaines dans l’année (24). Il ne doit toutefois pas être extrapolé abusivement. Il est en effet possible que la perte de PIB par quinzaine évolue à mesure que la durée cumulée de confinement s’allonge. Cette estimation est corroborée par l’exploitation d’autres sources de données. L’utilisation d’autres
informations issues de l’enquête de conjoncture, comme par exemple le taux d’utilisation des capacités de production dans l’industrie, confirme l’ordre de grandeur obtenu.

On peut également comparer l’épisode actuel à la baisse d’activité observée lors de la crise financière de 2008. Les soldes de l’enquête de conjoncture relatifs à l’activité baissent environ 1,5 fois plus au premier trimestre 2020 qu’au quatrième trimestre 2008 dans l’industrie et environ 4 fois plus dans les services marchands. Un rapport de proportionnalité similaire relie notre estimation de la baisse d’activité dans ces deux secteurs pour le premier trimestre 2020 à la baisse qu’ils avaient enregistrée au quatrième trimestre 2008.
D’autres sources de données à haute fréquence sont cohérentes avec cette estimation. Par exemple, les montants des paiements effectués par cartes bancaires ont baissé de 50% en moyenne pendant la semaine du 23 au 29 mars. Nous pouvons faire l’hypothèse que ces paiements sont représentatifs de la part variable de la consommation, qui représente entre 60 et 65% de la consommation totale des ménages (le reste étant notamment constitué des loyers, effectifs et imputés, et d’autres dépenses pré-engagées). Sous cette
hypothèse, la consommation totale aurait donc baissé d’environ 30% pendant la semaine du 23 mars, le même ordre de grandeur que celui de notre estimation de baisse de l’activité économique.

Une autre source externe de données provient des demandes d’activité partielle des entreprises, qui concernaient au 1er avril 3,9 millions de salariés d’après les chiffres de la DARES, soit environ 13% de la population active. Ce chiffre est utile à suivre mais difficile à utiliser pour un suivi conjoncturel, d’autant qu’il augmente très rapidement et que le nombre moyen d’heures en chômage partiel par bénéficiaire n’est pas disponible. Mise en regard d’une baisse de 30% environ de l’activité économique, cet indicateur semble
néanmoins compatible avec l’ordre de grandeur de la baisse d’activité que nous avons estimée.

La situation exceptionnelle créée par le virus covid-19 a conduit la Banque de France à modifier l’exploitation et la présentation des résultats de son enquête mensuelle de conjoncture (EMC) dans l’industrie, les services marchands et le bâtiment.

Conjoncture à fin mars 2020 Industrie, services marchands et bâtiment

Industrie : En mars, la production baisse de façon brutale dans l’ensemble des secteurs de l’industrie.
Les moins touchés sont la pharmacie, les industries agroalimentaires et la chimie.
Les carnets de commandes baissent mais restent moins dégarnis qu’au début 2009. Les stocks sont très bas.
Les chefs d’entreprise ont peu de visibilité sur l’évolution de la production en avril, qu’ils envisagent toutefois encore en net repli par rapport à mars.

Services : Dans les services marchands, la baisse de l’activité est très marquée.
Les services d’information, informatiques et comptables et juridiques sont les moins affectés. Les effectifs baissent fortement.
Les chefs d’entreprise ont peu de visibilité sur les perspectives d’activité pour avril, mais envisagent une nouvelle dégradation très marquée par rapport au mois précédent.

Bâtiment : L’activité du bâtiment n’est pas épargnée par les effets de l’épidémie de coronavirus.
Les carnets de commandes retrouvent leur niveau bas de la fin 2015.
En avril, l’activité plongerait encore, avec une grande incertitude quant à l’ampleur du repli.

Conjoncture travaux publics - 1er trimestre 2020

Au premier trimestre, l’activité dans les travaux publics baisse brutalement.
Les effectifs baissent. Selon les chefs d’entreprise, l’activité baisserait encore plus fortement au prochain trimestre.

Notes :
 ? En évolution, un solde d’opinion positif (négatif) correspond à une hausse (baisse). un solde d’opinion positif (négatif) correspond à une hausse (baisse). Les soldes d’opinion agrégés se situent entre les deux bornes -200 et +200.
 ? Le dernier point correspond aux prévisions des chefs d’entreprise sur la production ou l’activité à venir.
 ? Les séries sont révisées trimestriellement. Elles prennent en compte des données brutes de collecte complémentaire et l’actualisation, en fonction des dernières données disponibles, des coefficients CVS-CJO.

Visuel de Une : illustration DR Banque de France