Les gaulois braillards

Les gaulois braillards ne sont pas opposés à la réforme, mais...

On ne saurait faire le reproche à Emmanuel Macron de ne pas engager les réformes promises pendant la campagne électorale. Elles sont même menées au pas de charge, qu’il s’agisse de l’économie et des finances avec de nouvelles mesures déjà en application, du social avec la loi Travail, de l’éducation, des armées, etc. Depuis longtemps, l’opinion voulait que les lignes bougent, la voilà servie...
Mais, à courir à la vitesse du sprint plutôt qu’à celle de la course de fond, il y a un risque d’essoufflement. Le point de côté guette.
La forte mobilisation du monde judiciaire la semaine passée devant la quasi totalité des tribunaux de France sonne comme une alerte. C’est un carton jaune dressé, alors même que la partie est loin d’être achevée dans le match de la modernisation pour une Justice du XXIème siècle.
Que des professionnels ayant des statuts aussi divers que des avocats libéraux, des magistrats, des huissiers, des personnels de toutes catégories se retrouvent réunis au même moment et autour des mêmes mots d’ordre doit être pris en considération par le Ministère. Car cette mobilisation est à l’évidence le symptôme d’un malaise profond.
Bien sûr, dans ce pays de Gaulois braillards et indisciplinés, les réformes ont toujours du mal à passer. Parce qu’elles bousculent les habitudes, parce qu’elles remettent en cause avantages et pré carré.
Dans le cas qui nous occupe, il ne s’agit pas de cela, mais plutôt du ressenti partagé par tous d’une réforme qui se fait sans aucune concertation réelle. "On va nous imposer à la fin du mois une réforme toute ficelée sans que l’on ait notre mot à dire" résumait un magistrat sur les marches du Palais.
Cela fait des années en effet que le système tient de bric et de broc. Qu’il manque de personnels et de moyens matériels, sempiternelle rengaine. Même après le passage de la Garde des Sceaux, venue à Nice à l’automne pour l’audience de rentrée, mais qui n’a rien apporté d’autre dans ses valises que de bonnes paroles.
À moins de vouloir faire le bonheur des gens malgré eux et de passer "à la hussarde", la Chancellerie serait bien inspirée d’écouter ceux qui font vivre la justice au quotidien.
Ils sont inquiets aujourd’hui d’un avenir qu’ils imaginent mal, entre juridictions remaniées, big data, ubérisation redoutée des fonctions, etc.
Ce que les manifestants ont dit l’autre jour, c’est qu’ils veulent être associés réellement à la réflexion. Que l’époque n’est plus où la vérité tombait d’en haut sur le petit peuple. Que de faire confiance à l’humain est le meilleur moyen de transformer ce système pour le mettre à la hauteur des espérances de l’époque.

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