Méfions nous des barreaux

Méfions nous des barreaux qui font les bourreaux

Les démocraties nées sur les ruines de l’après-guerre ont-elles déjà oublié les enseignements de cette période de barbarie et les valeurs humanistes sur lesquelles nous avons fondé la reconstruction ?
Espérons que non, même si l’on peut parfois douter...
Comme à la lecture d’une interview parue dans le Nouvel Obs de la fille de Cesare Battisti. Elle y explique que son père, en cavale depuis les années de plomb en Italie, et rattrapé par la patrouille en Bolivie il y a deux ans, croupit aujourd’hui dans une sorte de Guantanamo au fin fond de la Calabre. Une prison de haute sécurité où il est à l’isolement total, dans un cul de basse-fosse, sans aucun contact avec les autres prisonniers, tous membres d’Al-Qaida.
Le traitement "de faveur" réservé à celui qui avait été protégé par une certaine intelligentsia française est finalement conforme aux déclarations de Matteo Salvini (extrême droite), ministre de l’Intérieur au moment de l’arrestation et de l’extradition de Battisti depuis La Paz : "Deve marcire in galera fino alla fine dei suoi giorni" ("il doit pourrir en prison jusqu’à la fin de ses jours").
Entendons-nous bien : je n’ai aucune sympathie particulière pour Battisti, soldat perdu d’une cause foireuse qui aurait participé à quatre assassinats avec son groupe des "Prolétaires armés pour le Communisme". Après quarante années de cavale et de pied de nez à la justice italienne qui l’avait condamné en son absence et pour cause, il n’est que logique qu’il paie aujourd’hui sa dette à la société même si les conditions de son procès peuvent être discutables. Mais je suis profondément choqué par ses conditions de détention. Elles évoquent davantage les geôles des chefs de guerre en Libye ou en Syrie, les camps de la Corée du Nord et les prisons de Birmanie que les maisons d’arrêt d’un grand pays libre et démocratique.
Battisti a commencé le 2 juin une grève de la faim. Il dit qu’il ira jusqu’au bout. C’est aujourd’hui sa seule "arme" pour espérer que la justice transalpine lui redonne un peu de cette dignité qu’il avait lui même renié à ses victimes à l’époque de sa lutte armée.
Traité comme un animal enfermé dans une cage, loin de sa famille, Battisti ne provoquera sans doute pas la vague de sympathie qui avait accompagné Bobby Sands, député des communes, nationaliste irlandais, qui se laissa mourir d’une grève de la faim en 1981. Après 66 jours de jeûne, et sans que la Dame de fer Margaret Thatcher ne manifeste la moindre compassion.
Il y va de l’honneur de nos démocraties de donner des conditions dignes aux détenus. Plus de 75 ans après la fin de la guerre, ce "combat" est encore loin d’être gagné.

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